Les rares fois où j’ai vu pleurer ma mère – elle pleurait silencieusement, il n’y avait pas de sanglots dans ses pleurs –  j’en étais bouleversée.
Un jour je l’avais ainsi surprise. Elle pleurait pour une raison qui me sera toujours inconnue. Elle m’avait alors souri à travers ses larmes, manière de me rassurer mais le mal était fait.
Quand elle riait, pareil.
Ma mère pleurait toujours lorsqu’elle riait.
Or je ne pouvais – et ne peux toujours pas – regarder une personne pleurer sans craquer à mon tour. Automatique.
De même que le pied shoote par réflexe lorsque l’on donne un coup de marteau sous la rotule, j’ai le cœur qui shoote dans ma poitrine à la vue des larmes d’autrui.
Devant un fou rire aux larmes, je peux fou rire aussi et tout va bien.
Mais avec elle, c’est (ce que je croyais être) sa tristesse qui était contagieuse.
Si encore elle riait aux éclats, mais non. Elle riait sans faire de bruit, il n’y avait pas de hoquets dans son rire. On aurait dit qu’elle souriait sauf que ses yeux débordaient. D’où ma confusion.
Je m’alarmais instantanément.
Des moments comme ça, pendant lesquels nous n’étions pas en phase du tout…
Son hilarité déclenchait chez moi un incoercible chagrin.
A chaque fois il fallait qu’elle m’explique Mais non, je ris !
Je ne m’y habituais pas. Plus elle riait aux larmes plus je fondais de même. Un manque total d’humour.

19 décembre 2014