
Quinzième volet
Voyage…
La nuit du Mont Mou
Dans le ciel, un nuage
un piercing d’étoile
la silhouette des arbres
notou didgeridoo
La nuit en lamelles de verre
8 janvier 2020
Yaté
Ce n’est pas la marée qui monte
c’est la plage qui se retire
La mer est si proche
qu’elle entre par tous les pores de la nuit
Il devrait être interdit de nourrir les moustiques
7 janvier 2020
Pélerinage
Kaméré, Tindu, Numbo
Ducos presqu’île
Sera-t-elle là, Louise ?
Louise sur un quai de halage
Louise au rendez-vous des carénages
Kaméré, Tindu, Numbo
Ducos presqu’elle
5 janvier 2020
Tjibaou
Cases de paille cousue
à l’étoffe des arbres
Ici le vent, encore
sa voix de conque
entre les arcs d’iroko
et le silence déflagrant
du passeport annulé de Tjibaou
2 janvier 2020
Le vent du Mont Coffyn
Il a des mains de flamboyants
une jupe qui froufroute
autour des hanches
Vagues d’assaut répété
sur les volets battus
Pour Elise et Roy
2 janvier 2020
Brèves de Kanaky
Rouge nickel
La montagne grattée jusqu’au sang
Le col de crève-coeur
Collines sèches
bleu cendre
et la pluie enfin
verte
Poindimié
Poa Woe des Pouroa
je me souviendrai de toi, toujours
le poème de ton nom
Ponérihouen
Peuple de cairns
sur le rivage
La baie de Néhoué
S’envelopper de Pacifique
La Foa
On croit entendre l’océan
on croit entendre la pluie
Ce ne sont que les palmes
de fougères au vent
Mais quel est cet oiseau ?
Son chant semble s’être enrayé
et ricoche jusqu’à essoufflement
Les flamboyants de Farino
De flambée en flambée
le feu aux canopées
23 décembre 2019
Fin chelou
Il y a près de 17000 km entre ici et le lieu de ta première et dernière demeure et pourtant je pense à toi.
Je pense à ce jour de fête des mères. Tu n’étais pas chez la tienne, de mère, tu étais chez moi.
Tu étais chez moi chez toi. Aux nouveaux arrivants, c’est toi qui faisais visiter ma maison.
Tu m’avais offert un bouquet de petites fleurs cueillies dans nos champs.
C’était quelques jours avant de passer le BEPC. Vous révisiez ensemble, mon fils et toi. Toi, mon fils adopté.
Tu portais à ton cou un sifflet à ultrason avec lequel tu dressais les chiens de troupeau.
Petit berger doué.
Depuis que je suis en Nouvelle Calédonie, tu occupes toutes mes pensées. Surtout depuis que nous roulons vers le nord.
Je ne comprends pas pourquoi tu es si présent, d’une présence harcelante.
On m’a fourni une explication et bien qu’elle paraisse irrationnelle et relever de la sorcellerie, elle me semble la seule plausible.
Tu t’étais fait beaucoup d’amis kanaks à l’armée. Ils te considéraient comme un des leurs. Tu as toujours eu le chic pour te faire adopter. Tu serais même venu ici chez eux, avant d’aller mourir au Mali… il y a 4 ans.
Oh petit con ! Ce n’était pas faute d’avoir essayé de te dissuader de t’engager !
J’avais écrit ce poème pour toi :
Rengagez-vous
Qu’attendais-tu de la guerre ?
Un horizon plus élargi que le ciel des bergers ?
Une déchirure maintenant
L’argent fuselé d’une carlingue dans l’azur
Ta jeunesse brûlée rapatriée
Petit con
Baie de Golone. Ta présence est telle que j’entends ta voix. Tu parles toujours aussi vite en bouffant la moitié des mots. Tu émailles tes phrases d’expressions kanaks.
Ta présence est telle que je t’apostrophe.
– Puisque tu es là, tu pourrais faire un effort et nous indiquer un gîte un peu moins pourri que celui-ci qui ne fournit aucun repas alors que le prochain point d’alimentation se trouve à 25 km !
Une petite épicerie de brousse dans laquelle nous ne trouvons rien de bien folichon.
Nous voilà à ingurgiter une boîte de conserve. Du pâté de poulet (!) bien dégueu…
Ahoua ! C’est fin chelou, dit ta voix.
En allant à Koné, notre étape suivante, nous recherchons le gîte où nous avons réservé une chambre.
Rien n’est indiqué. Je t’entends dire C’est à droite
– Ah tu connais ?
– Oui je Koné.
Tu m’obsèdes. J’aimerais que tu me lâches. Tu me parasites les oiseaux.
Mais nous redescendons vers le sud et je sais que je te perds. Je perds ta présence, ta voix, ton sourire ébréché.
Je suis intimement convaincue que c’est dans le nord que se trouvent tes amis kanaks. Ils pensent à toi si fort que j’en ressens l’onde de choc.
Quelque part sur la Grande Terre, des hommes te prononcent et te retiennent, violemment vivant.
21 décembre 2019
Entendre l’aube
Le jour, ici, ne se lève pas
Il vous tombe dessus
comme un vent jaune
et chaud
Il vous prend à pleine peau
Il ne faudrait pas dormir maintenant
Se laisser tirer l’oreille par l’explosion
des cris d’oiseaux de Kanaky
La tôle claque quand le soleil
marche dessus
9 décembre 2019
Côté hublot
Inexplicable opacité/désopacité
méthodique et lente des hublots
Il fait nuit au soleil levant
Il a fait nuit deux ou trois fois
depuis le départ
et encore à l’arrivée
Alors on ne sait plus
quelle nuit on est à Païta ?
6 décembre 2019
Côté hublot
L’aile est un miroir
Dans l’eau de son métal
la cartographie des nuages
5 décembre 2019
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