Ce matin je me suis réveillée tôt. Derrière le voile de ma fenêtre le lampadaire éclaboussait le battant de mon volet ouvert. Une lumière s’est allumée dans l’immeuble en face.
J’ai bondi de mon lit dans le noir. Une envie frénétique de filmer : les stores qui se lèvent, les fenêtres qui s’allument une à une, la nuit jaune du lampadaire puis la nuit bleue lorsqu’il s’éteint, le lever du jour, la lune avec un peu de chance…
Je vérifie la charge de la batterie. Je prends mon trépied, cafouille pour fixer le caméscope. Je sors. Il fait un froid sans lune. Je mets un temps fou à régler la hauteur, avec la crainte que le lampadaire ne s’éteigne déjà, que les fenêtres s’allument sans m’attendre. Je laisse enfin tourner et je reviens me faire un café. Inquiétude. Est-ce qu’il ne fait pas trop froid pour l’appareil ? Jusqu’à quelle température peut-on utiliser une caméra sans l’abîmer ? Je ne sais plus où j’ai rangé la notice. Tant pis, je préfère rentrer le matériel.
J’ouvre mon rideau. Re-réglage du trépied à l’intérieur de la maison. Je trouve un meilleur angle.
Dans l’axe de ma caméra, une petite fenêtre sans volets. Je ne risque pas de la louper lorsqu’elle s’éclairera. Le rectangle de ciel entre deux façades est déjà plus pâle, dommage. Mais ça risque d’être pas mal quand même.
J’allume.
Et j’attends.
J’attends…
Le lampadaire s’éteint.
Aucun store ne se lève. Il fait grand jour et grand soleil.
Je réalise que l’on est samedi et que personne en face ne va se lever tôt.
Ce que je prenais pour une petite fenêtre était un tapis pendu à la rambarde d’un balcon.
La seule fenêtre qui s’est allumée n’était pas dans le champ.
 
9 février 2013