Tout le personnel de l’hôpital a revêtu des blouses roses. Les infirmières comme les médecins. C’est très joli, ça leur va très bien.
On m’indique aujourd’hui la salle numéro 9. Pas la salle numéro 11, la grande salle tout au fond où il y a six fauteuils. Je n‘aime pas cette salle parce qu’il y a une télévision bavarde allumée en permanence. J’emporte toujours un livre. Un jour, une infirmière compatissante m’avait demandé si j’arrivais à me concentrer sur ma lecture, j’avais répondu non. Elle avait baissé le volume.
Aujourd’hui salle 9. Nous sommes quatre. Quatre femmes. Ellles parlent de leurs prothèses, elles comparent. J’ai une prothèse en silicone, c’est trop lourd, ça me déséquilibre, dit l’une d’elle.
J’ai préféré une prothèse en mousse, répond une autre.
Puis la conversation glisse sur l’insécurité routière, l’insécurité tout court, dérape sur des propos racistes. Une vraie discussion de comptoir, nos consommations en perfusion. L’infirmière ne peut rien pour moi, elle ne peut pas les taire.
Deux heures plus tard, je repartirai en taxi. Mon chauffeur du jour s’appelle Valentine. Je l’aime bien, Valentine, elle ne dit rien. Même si elle écoute la même radio que les autres taxis, elle est la seule à la mettre en sourdine. Mais même tout bas, j’abhorre Chérie FM (rien que le nom !). Il y a toujours des chansons absolument extra-ordinaires. C’est à dire qui sortent de mon ordinaire…
Oh je ne sais pas qui est le chanteur, je ne veux pas le savoir. Mais son refrain : Dites lui que je l’aime, ce p’tit cœur à la crème va me coller au cerveau toute la journée…(en vrai je ne suis pas sûre des paroles mais c’est ce que j’ai entendu). Trois quarts d’heure aller, trois quarts d’heure retour, Chérie à la crème, c’est ce qu’il y a de plus éprouvant.