Je n’ai plus le droit de faire de bise. Plus jamais de ma vie je ne dois embrasser personne et ça me chagrine.
L’immunothérapie qui a éliminé mon crabe a aussi endommagé ma thyroïde et mon hypophyse et ce, de manière irréversible.
Moi qui craignais le moment où j’allais arrêter la cortisone qui m’aide à lutter contre les effets secondaires de l’immuno, je craignais le moment où j’allais l’arrêter parce qu’à chaque fois les douleurs revenaient … eh bien voilà : il n’est pas question que j’arrête la cortisone. Comme le levothyrox, c’est à vie.

On m’a donné une carte à toujours garder sur moi : insuffisance surrénale.

Maintenant je vais bien ! Le seul truc c’est que j’ai intérêt à me protéger… A la moindre fièvre, la moindre gastro, la moindre bactérie ou infection, je dois tripler ma dose de cortisone (ok), m’en injecter par voie sous-cutanée (passe encore) et illico appeler le samu pour me faire hospitaliser d’urgence (ah ça nooon !)
Alors donc, je ne fais plus la bise à personne et mon compagnon (le pauvre !) évite aussi pour ne pas risquer de me contaminer. Au début j’ai eu beaucoup de mal, j’avais tendance à oublier et on voit tellement de monde ! Maintenant ça va, j’ai pris le pli, les amis qui savent m’aident à ne pas oublier.
Quand il y a eu le covid, personne ne s’embrassait, personne ne se serrait la main. Maintenant, lorsque je vois approcher les amis, j’envoie une bise de loin. Mais ceux que je ne connais pas assez pour leur faire la bise ? Ils me tendent la main et je me sens affreusement gênée de ne pas la serrer, je me sens idiote de leur présenter le coude…

Vendredi soir nous avons assisté à un magnifique concert  de trois flûtistes à l’Eglise Haute. Il y en avait, des copines et des copains ! Pas de bise, pas de bise ! Puis après le concert, nous conversons avec Isabelle Courroy, le courant passe. Au moment de se quitter, nous ne nous connaissons pas assez pour nous embrasser, je ne veux pas lui tendre la main. Je recule en lui disant au revoir. Elle nous dit à bientôt, je réponds à tout à l’heure. Elle rit et me prend les deux mains dans les siennes, au secours,  affolée je suis !
Lorsque je suis rentrée à la maison je me suis lavé les mains et je me suis détestée de m’acharner à mettre du savon sur son geste tellement chaleureux. J’aimerais bien arrêter de stresser comme ça au moindre contact. Je ne me suis jamais sentie fragile mais là je me sens vraiment frileuse.

Et mon fils, alors ? Je ne l’ai pas revu depuis que l’on m’a annoncé ça. Je ne vais pas pouvoir l’embrasser ?
Vous me direz que ce n’est pas bien grave, il suffit que je fasse attention…
Il y a pire, comme séquelles de crabe. Je vais bien, je suis en rémission, j’arrive au bout du tunnel ! Le bout du tunnel existe, j’en suis la preuve bien vivante (pour l’instant pour l’instant pour l’instant) Profitons du moment présent !

Je vous embrasse tout plein, soyons fous ! De loin j’ai le droit !