Quinzième volet
Voyage…
Sur le trottoir d’en face
Elle habite un carré de soleil
sur le trottoir d’en face.
Passent les indifférences,
les pas soudain plus pressés,
les ostensibles coups d’oeil,
une montre fictive au poignet.
Elle leur invente des urgences,
des retards à un rendez-vous,
elle que personne n’attend jamais.
Elle est l’ivraie de leur bitume,
elle dérègle, elle désordonne,
elle égratigne leur journée.
Elle colporte sa solitude, sa dignité,
son chagrin soluble,
noyé.
2010
Galet
Le poids d’un galet dans le ventre.
Il vaut son pesant.
Avancer sur la grève.
J’ai dit galet,
j’ai pas dit pavé,
tout de suite, tu déformes.
Avancer, donc.
Et ne pas dévisager
les passagers de cet instant.
Jamais.
Si tu poses ton regard sur eux,
ils se retournent.
J’ai senti son regard posé et je me suis retournée.
Fallait pas.
Jongler entre deux noms.
Il a raison, c’est moi que je fuis.
C’est compliqué, des fois j’oublie.
Je crois être celle-ci
mais je suis l’autre.
Je ne sais plus qui est.
L’intermittente.
Je clignote.
Je marchais en plein milieu de la rue,
mes amitiés ont rigolé :
tu te crois en transhumance ?
Je ne crois pas, je suis.
Je transhume mon identité,
mes plages, mes lunes,
mon galet dans le ventre.
Il vaut son pesant.
2010
Les soleils barbelés
Lâche la hampe de ce drapeau d’orages.
Laisse mourir les vagues
doucement.
Laisse les effacer nos pas
dans le chuintement du sable.
Il est trop tard pour te pencher
sur mes cris d’encre et de papier.
Juste des vers à soi
rien que pour moi.
Un nouveau masque,
une autre plume.
J’ai encore quelques souvenirs
du plomb des soleils barbelés.
2010
Je déambus ligne 7

Je prends le bus,
une façon de me déserter.
Je déambule dans mes pensées,
je déambus ligne 7.
Et j’écris.
Quand j’écris je me fuis.
J’écris dans les pages janvier février
de mon agenda acheté en mars,
je traque les mots,
je couche sur le papier
des pattes de mouche illisibles.
Plus tard je ne saurai pas me relire,
il me faudra me déchiffrer,
il me faudra me retrouver,
c’était bien la peine de me fuir !
Au terminus je descends.
Echec de ma désertion.
Je remonte dans le bus,
je repars dans l’autre sens.
Trouver un autre sens
à tout ça.
Septembre 2010
Latérite
Faire le bilan de la démesure.
Ce n’était pas si grave
n’est-ce pas?
Si flamboyant non plus.
Tôle ondulée,
latence du chaos.
Latérite.
Amertume en gestation.
Des ratures en devenir.
2010
La maison bleue
La maison bleue from komêo on Vimeo.
J’avais une maison en pierres,
la montagne devant les fenêtres,
trois chiens accolés à mes pas.
J’avais des bouquets de bambous
dans la neige de mes hivers,
un poêle à bois.
J’avais une maison ouverte
à tous les vents de bienvenue,
une grande table et des bancs,
des amis autour et dessus.
J’avais des étés de pleines lunes,
la bonne odeur des figuiers,
reflets de fête dans le bassin,
guitares, percussions et piano.
J’ai laissé la maison en pierres,
la montagne et les fenêtres,
mes chiens accolés à tes pas,
les bambous, la neige de l’hiver,
le poêle à bois.
J’ai laissé la lune, le piano,
le parfum de figuier l’été,
les percus, le bassin et l’eau.
J’ai emporté dans mes bagages
un petit peu de nostalgie.
J’ai gardé pêle-mêle et en vrac des belles images, et les amis.
2010
Pluie des mangues
Il pleut des chagrins dilués,
des larmes salées,
des rapides du Djoué.
Il pleut des mangues
aux joues découpées
en petits carrés.
Il pleut des brumes dorées,
des aubes parfumées,
des cigales d’été.
Il pleut nos enfances noyées,
des cauris divinatoires,
dis-moi qui je serai.
Tout se mélange dans ma tête.
Nour el ayat et Boukoki,
Treichville et le Cap Estérias,
le téton de l’Arpille,
la Promenade des Anglais.
Pfff…
Il pleut sur Hôpital-Silence.
2010
Tournesols
J’écris les îles du matin,
cette mer de brume en écharpe
autour des sommets lumineux,
j’écris les rivières de nuages,
j’écris le vent.
C’est comme si tu m’ avais repris,
tous ces bouquets offerts cueillis.
C’est comme si tu avais pillé
les souvenirs de nos fêtes,
l’aube des Toujours, ma vie.
Moi je te rends le diadème
en pacotille de tes serments,
les colifichets d’amourettes,
des pendeloques aux oreillettes,
tambour battant.
Pardon, j’écris nos continents,
nos désillusions démasquées
mes ressentiments sans pudeur,
c’est comme si je déshabillais
ta solitude.
J’imagine la vitre embuée,
la vue sur la première gelée,
l’odeur amère du poêle éteint,
la vue sur les soleils fanés leurs pétales de soie froissée.
2010
Arythmie blues
Ceux qui me connaissent comprendront…
Voici mon métronome interne
ma tachycardiatonique
Voici le battement Heart-Rock
de mon cœur cousu
Je n’ai jamais été très rock
toujours à côté du tempo
Je t’offre le dialogue
du tam et du tam
mon insomnie à cœur ouvert
le temps qui passe
Je t’offre la mesure
de mes secondes intermittentes
Quelle heure est-elle ?
2010
Rat dégoût
Y a des gens qui marchent sur ma tête,
et des lunes électriques fichées sur des poteaux.
Des voitures se garent devant chez moi
mais personne ne vient.
D’ailleurs je n’ai plus
un seul chien qui aboie.
J’ai maintenant une clef
pour ouvrir ou fermer
mon accueil battant,
mon accueil béant,
ma porte ne bée plus.
Tu es devenu hier,
il me faudra du temps
pour ne pas te réveiller, déchirure.
2010
Commentaires récents