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Quinzième volet

Voyage…

Au soleil d’un dimanche

Le soleil coule encore à travers soir
C’est une lumière fluide qui circule entre nous
A l’intérieur de nous, peut-être
Je cueille l’épars des rires
 –  miettes de chaleur  –
J’en aurai besoin plus tard
                           Plus loin
                           Plus seule
J’en ferai des mots à donner aux oiseaux
Une route pour revenir

2 novembre 2014

Les îles du matin

Petite histoire offerte à mon fils pour son 7ème Noël  

 

 

Les ïles du matin

Quand maman est venue me dire bonne nuit hier soir, dans ma chambre, je ne savais pas encore que j’allais vivre une drôle d’aventure avec Chouchou.
Les îles du matin
Chouchou, c’est mon Chouchou. Il est toujours avec moi quand je dors,  mais aussi quand je voyage. Chouchou c’est le plus beau. Enfin presque… Il est un peu déchiré, en ce moment. Il est aussi moins rouge qu’avant. 
Les îles du matin
Maman l’a souvent recousu. Mais le dernier tissu en pagne qu’elle lui avait mis est tout en lambeaux, maintenant. Tant pis, je l’aime quand même.     – Bonne nuit Kin, dit maman, et bonne nuit Chouchou. Oh ben dis donc, il aurait bien besoin d’être recousu, ce pauvre Chouchou !
On s’est fait des bisous et maman a éteint la lumière. Je me suis endormi.
Les îles du matin
Tout d’un coup, Chouchou me réveille :   
   – Kin ! Kin ! Viens voir !
J’ouvre les yeux et je vois qu’il fait presque jour. Chouchou me montre la fenêtre. Je regarde dehors. Je vois une mer de nuages. Comme quand on va à l’école, certains matins: la brume envahit toute la vallée, et ce qui est beau, c’est qu’on voit juste les sommets des montagnes. On dirait des îles.
Les îles du matin
Après, quand le temps passe, la brume disparaît, les îles du matin redeviennent des montagnes. Là, c’est l’heure des îles du matin. Et Chouchou me tire par la manche.   
   – Viens ! On peut marcher sur les nuages ! me dit-il.
Alors  on sort par la fenêtre et c’est bien, de marcher sur la brume. 
Les îles du matin
Le soleil apparaît et se met à rouler sur les nuages, entre les îles du matin. Je me rends compte soudain que le soleil est un ballon. Et derrière ce ballon, un enfant noir court, il pousse le soleil-ballon avec son pied. Puis il shoote dedans et le soleil va se poser dans le ciel.
Les îles du matin
L’enfant s’approche de moi et me fait un grand sourire.   
   – Bonjour, je m’appelle Soumaré.   
   – Moi c’est Kin et lui c’est Chouchou.
Soumaré a un boubou bleu et un bâton sur les épaules, comme en ont les bergers Peuls.   
   – J’ai l’impression de t’avoir déjà vu, dis-je.   
   – Peut-être… Est-ce que tu le reconnais, lui ? 
Les îles du matin
C’est alors qu’un lion apparait et je reconnais le lionceau avec lequel je jouais quand j’étais tout petit. Je range prudemment Chouchou sous mon tee-shirt parce que la première petite déchirure, c’est sans doute le lion qui l’avait faite. 
Les îles du matin
Ensuite on se met à jouer, Soumaré, le lion et moi. Soumaré m’offre des  dattes à manger et comme on a soif, il nous emmène au bord du fleuve. Je me penche au dessus de l’eau et brusquement, le fleuve change de couleur. Il devient un océan, avec une eau bleue et transparente, et j’ai du sable fin sous mes pieds ! 
Les îles du matin
   – Chouchou! On est à Moorea !
Chouchou est tellement content qu’il danse déjà le tamouré. Moi, je cherche Soumaré et le lion mais ils ne sont plus là. C’est un enfant tahitien qui se tient à mes côtés.   
   – Bonjour, je suis Teiki.   
   – Bonjour, moi c’est Kin, et lui, Chouchou.   
   – Tu ne te rappelles pas, dit Teiki, qu’on s’est baigné un  jour ensemble ? Viens, retournons à l’eau.
On court en riant dans le lagon, et Chouchou boude un peu sur la plage, parce que lui, il n’aime pas trop se mouiller. Teiki plonge au fond de l’eau et remonte une huître à la surface. Dans l’huître, il y a une perle noire.   
   – Regarde-là de plus près, me dit Teiki.
Je prends Chouchou dans mes bras pour qu’il la regarde aussi, et on met le nez dessus. Tellement près qu’on se voit dedans. La perle brille comme un soleil, elle devient grosse, plus grosse encore, puis toute blanche, éblouissante comme une boule de neige. C’est une boule de neige !
Les îles du matin
Teiki et le lagon ont disparu. La plage de sable blanc s’est transformée en une immense étendue de neige.   
   – On est au pôle- Nord ! Crie Chouchou.
On voit alors arriver un petit esquimau sur un traineau tiré par des chiens.
Les îles du matin
    – Bonjour, je m’appelle Inouk.   
    – Bonjour, moi c’est Kin et lui, Chouchou.
J’étais déjà allé en Afrique et à Tahiti, mais au Pôle- Nord, jamais ! Je me demande si j’ai déjà eu un copain esquimau.    
    – Je te connais ? dis-je à Inouk.    
    – Non, pas encore. Mais peut-être qu’on se connaitra, si tu en as envie.    
    – Oh oui, j’ai envie !    
    – Alors viens, je t’invite dans mon igloo.  
Chouchou et moi, on monte sur le traineau avec Inouk, et on est tout content ! Mais la neige redevient brume, Inouk, le traineau et les chiens fondent au soleil qui roule sur les nuages.
Les îles du matin
Devant nous, une eau lisse et verte. Les îles du matin ont pris une autre forme, elles sont toutes pointues. Je reconnais alors un paysage du Vietnam que j’avais vu en carte postale.   
    – On est dans la baie d’Along ?!   
    – C’est ça, dit une voix d’enfant derrière nous.
C’est une petite fille aux yeux bridés qui nous regarde, du haut de sa maison sur pilotis. Elle nous invite à grimper.
Les îles du matin
     – Bonjour, je m’appelle Tiang.   
     – Moi c’est Kin, et lui, Chouchou.   
     – Je suis entrain de manger, dit Tiang, as-tu faim ?   
     – Oh oui !
Elle me tend un bol de riz, et je suis très embarrassé car elle me tend aussi une paire de baguettes, et je regrette alors de ne pas m’être entrainé plus, à la maison. Je suis un peu maladroit pour manger avec des baguettes.   
     – Mange avec tes doigts, dit une voix.
Je lève la tête et m’aperçois avec surprise que Tiang n’est plus là. C’est une autre petite fille en face de moi. Aussi brune que Tiang, mais avec une natte très très longue.
Les îles du matin
Je ne suis plus dans la maison sur pilotis.   
     – Mais qui es-tu ?   
     – Je m’appelle Vasanthi.   
     – Oh! Comme ma cousine !   
     – Ta cousine est indienne ?
Je comprends alors que cette fois-ci, je suis au pays de Mowgli. 
Les îles du matin
     – Moi c’est Kin, et lui, Chouchou. Dis, c’est vrai qu’ici        on peut monter sur le dos des éléphants ?    
     – Mais oui, dit Vasanthi, demain je t’emmènerai. Mais c’est l’heure de dormir, maintenant. Allonge toi sur la natte.
C’est vrai que j’ai drôlement sommeil ! Je me couche sur la natte avec Chouchou, tout heureux à l’idée d’aller me promener sur un éléphant. Et je m’endors d’un coup.  
     – C’est l’heure, Kin, dit Vasanthi.
Les îles du matin
Je me réveille, mais je suis dans mon lit et c’est la voix de maman. Chouchou est tout contre moi, tout bien recousu avec un nouveau tissu.   
     – Oh maman! Chouchou, il est en paréo !   
     – Eh oui ! Je l’ai rhabillé pendant que tu dormais.
Je regarde maman d’un drôle d’air. Je suis très déçu de n’avoir vécu qu’un rêve. Je regrette mes amis, le lion, le traineau tiré par les chiens, l’éléphant… Je regarde Chouchou qui fait semblant de dormir.
Les îles du matin
      – Dis, Chouchou! C’était pas un rêve ?
Mais Chouchou ne dit rien. Peut-être qu’il boude un peu aussi. Je prends mon petit-déjeuner,  je me lave, je m’habille comme tous les matins, mais j’ai encore la tête dans les nuages. Je n’arrive pas à croire que ça n’était qu’un rêve. J’ai envie de retrouver Teiki, Vasanthi, Soumaré, Inouk et Tiang.
Et s’ils existaient pour de vrai, quand même ?… Et moi qui n’ai pas eu le temps de leur dire de venir chez moi, eux qui m’avaient invité dans leur pays ! Comme j’aimerais les revoir !
Les îles du matin
Sur la route de l’école, il fait un peu sombre parce que c’est bientôt l’hiver. Le jour se lève à peine, et je vois la mer de brume. Et je vois le soleil rouler sur les nuages entre les îles du matin. Et Chouchou est en paréo…
Les îles du matin
Novembre 1999

Y a pas de quoi en faire une maladie

C’est à l’odieuse gentillesse des radiologues que j’ai su le verdict.
Même pas surprise. Le pré-senti.
L’évidence.
L’évidence me donnait un sourire larmoyant.
 
Je ne supporte pas l’agressivité de tous ces talons aiguilles
sur le dallage de la salle d’attente.
Le mot cancer martèle, martèle dans mes tempes.
 
C’est d’une affligeante banalité.
Capricorne ascendant cancer. Ah ah !
Je hais la dictature de la pensée.
Je suis sûre qu’il y a un pourquoi et je refuse tous les parce que.
 
Y a pas de quoi en faire une maladie.
 
Je refuse de me sentir si fatiguée tout simplement parce qu’on me dit que je suis malade.
Et pourtant je suis si fatiguée…
Et pourtant je ne l’étais pas !
Et pourtant…
 
Quand je n’ai pas peur, c’est facile d’avoir le moral.
Une déchirure affective me rend bien plus effondrée
que mes histoires de santé.
 
Une touche d’originalité quand même :
je suis atteinte des deux côtés.
Tout en même temps comme ça, c’est fait…
 
C’est quand un radiologue prend RDV pour vous sans vous demander votre avis que l’on mesure la gravité du diagnostic.
 
Ils s’excusaient de me faire des misères, avec leur mamotome.
Je leur ai dit que je supposais que ça ne faisait que commencer.
Ils n’ont rien répondu.
 
J’avais peur de l’anesthésie.
Mais au réveil j’étais si fatiguée que j’en ai oublié d’être soulagée.
 
Même pas mal.
 
Quand j’oublie d’avoir peur j’ai du mal à y croire.
Quand j’oublie…
 
J’ai fait Google.
J’ai trouvé nodule et micro-calcification.
Et j’ai effacé l’historique pour que mon fils ne le voie pas.
 
Maintenant il sait.
Mais il sait que ce n’est pas si grave que ça.
Je ne suis tellement pas seule à devoir vivre cette galère.
Je ne serai tellement pas la seule à m’en sortir.
Je suis dans les statistiques.
 
Maintenant me voilà entre les mains du chimio-thérapeute.
Il m’a promis que je ne serai pas trop fatiguée avec la chimio.
Il m’a promis aussi que je perdrai mes cheveux.
La perruque se vend sur ordonnance !
 
La chimio


 
Pas envie d’écrire sur la chimio, elle m’a ôté toutes mes forces.
C’est un cauchemar.
 
Mais le ballet de cet homme dans sa blouse blanche
derrière son aquarium stérile…
Il a l’air de danser avec ses sachets de perf au bout des bras.
Ses sachets de poison.
Une enfilade de fauteuils, et nous
nous attendons notre dose de poison.
 
Je vois toujours les mêmes visages.
Je n’ai pas envie de parler avec les autres.
Juste, cette dame là, elle me plaît.
Je ne sais pas pourquoi, elle me fait penser à ma mère.
J’imagine que ma mère avait le même courage,
le même genre de sourire tout doux,
le genre qui s’excuse de donner du travail aux infirmières.
 
J’espère qu’elle est sortie d’affaire.
 
Et cette mamie, dans la salle d’attente.
Elle est terriblement laide, elle en est attendrissante.
Elle est à moitié aveugle, ça donne à son regard une intensité de petite fille perdue.
Elle est avec son frère, un vieux monsieur très tendre avec elle.
Ils sont touchants, tous les deux.
 
Et cette autre mamie qui attend avec sa fille.
C’est la mère qui est atteinte.
Sa fille n’arrive pas à cacher son angoisse.
Mais la mère lui sourit dès qu’elle croise le regard de sa fille.
Un sourire pour rassurer.
 
Les gens qui se plaignent sont rares.
Je n’ai pratiquement vu que des gens courageux et dignes.
Plus c’est grave, plus ils assurent…
 
Faudrait obliger les râleurs de la vie à faire un tour dans les salles de chimio ou les salles d’attente de cancérologues pour prendre des leçons de courage.
 
J’ai parfois l’impression d’être un peu gogole, un peu inconsciente. C’est tant mieux ?
Pourtant je n’arrive pas toujours à tout relativiser, ne pas m’inquiéter pour des petits riens.
Elaguer les angoisses.
 
En fait, j’ai toujours eu de la chance.
 
Je ne vois pas pourquoi ça changerait.
 
 
Ecrit par bribes tout au long de la si longue année 2005

De mémoire

Deux nouvelles absences quelque part où je ne suis pas
En Afrique on aurait dit que deux livres ont brulé
Deux mémoires éteintes
La mienne ravivée

La route
Une épingle
Dans les cheveux du givre

Brume haleine des prés

Arbres et torrent au pailleté de cristal
Comme carte de vœux qu’ils ne recevront pas

Un lavis de fumée dans la mémoire du ciel

Le lent
Trop lent tempo
Du clocher

17 octobre 2014

Le temps se lève

Les nuages replient la traîne de leurs ombres
Sur l’asphalte une flaque sèche
D’un blanc étourdissant
C’est à se prendre les pieds dans la lumière

9 octobre 2014

Publié dans la revue Nouveaux Délits n° 50
et in L’or saisons aux éditions Tipaza (2018)

Pause-café

Le ventilateur ne brasse que la lumière
Et les volutes d’un air de saxo dans la rue
Peut-on parler d’absence ?
L’impression à ce point
D’être ployée toute
Vers toi

C’est presque vrai que l’on est bien
Sous l’ajour des dernières frondaisons de l’été

1er octobre 2014

Oraison

Une fois désossées les choses
Que l’on se bavarde seul
Dans la tête
Que reste-t-il
De tous ces mots que l’on rature
De toutes ces froissures dans nos états de l’âme ?
A peine formulée
Toi et Toi
Flammes follettes

22 septembre 2014