Il était une foi
Quand je rentrais chez moi avec le car de ramassage, après ma journée continue d’écolière, je grimpais sur le siège surchauffé au soleil d’Afrique et à 13 h 05 précisément, j’appliquais ma main sur le skaï noir.
Jusqu’à ce que le saisissement de la douleur s’éteigne.
Je retirais alors ma paume, j’attendais que la chaleur redevienne brûlante à nouveau et je recommençais à offrir ma peau à la morsure.
Parce que j’étais vivante et qu’elle ne l’était plus, mon amie, ma sœur.
C’était comme une offrande, un rituel.
Chaque jour d’école à 13 h 05, j’offrais ma souffrance en gage de fidélité.
Un reste de culpabilité judéo-chrétienne.
Jusqu’à ce que le saisissement de la douleur s’éteigne.
Je retirais alors ma paume, j’attendais que la chaleur redevienne brûlante à nouveau et je recommençais à offrir ma peau à la morsure.
Parce que j’étais vivante et qu’elle ne l’était plus, mon amie, ma sœur.
C’était comme une offrande, un rituel.
Chaque jour d’école à 13 h 05, j’offrais ma souffrance en gage de fidélité.
Un reste de culpabilité judéo-chrétienne.
Auparavant, j’allais à la messe tous les dimanches, préparation de la première communion oblige.
J’avais une foi toute culturelle, Dieu existait à la maison, point.
Tous les dimanches j’allais donc à l’Eglise et je priais :
– Mon Dieu, faites que je pêche une grosse daurade grise (parce que nous allions à la pêche tous les dimanches).
Ma foi était donc très infantile mais j’en avais une.
J’avais une foi toute culturelle, Dieu existait à la maison, point.
Tous les dimanches j’allais donc à l’Eglise et je priais :
– Mon Dieu, faites que je pêche une grosse daurade grise (parce que nous allions à la pêche tous les dimanches).
Ma foi était donc très infantile mais j’en avais une.
Jusqu’au jour de l’accident.
Quand j’ai perdu mon amie, ma presque sœur.
A la cérémonie d’enterrement, il faisait un soleil implacable, comme d’habitude. La chaleur était suffocante, le chagrin plus encore.
Presque toute l’école était massée là, dans l’église.
Enfants de 10 à 15 ans. Pas seulement, bien sûr, il y avait beaucoup d’adultes.
Mais je parle des enfants de l’école parce que ce jour-là, le curé a fait de nous toute une génération d’athées en prononçant cette phrase :
– Remercions Dieu d’avoir rappelé Anne-Marie à Lui.
Nous étions en train de faire l’apprentissage de notre première douleur d’adultes.
Nos jeunes fois ont craqué comme des coquilles vides sur lesquelles on marche.
A ces mots-là, tous les enfants de l’école sont sortis de l’Eglise.
Physiquement, mais pas que.
Nous avons remercié dieu.
Quand j’ai perdu mon amie, ma presque sœur.
A la cérémonie d’enterrement, il faisait un soleil implacable, comme d’habitude. La chaleur était suffocante, le chagrin plus encore.
Presque toute l’école était massée là, dans l’église.
Enfants de 10 à 15 ans. Pas seulement, bien sûr, il y avait beaucoup d’adultes.
Mais je parle des enfants de l’école parce que ce jour-là, le curé a fait de nous toute une génération d’athées en prononçant cette phrase :
– Remercions Dieu d’avoir rappelé Anne-Marie à Lui.
Nous étions en train de faire l’apprentissage de notre première douleur d’adultes.
Nos jeunes fois ont craqué comme des coquilles vides sur lesquelles on marche.
A ces mots-là, tous les enfants de l’école sont sortis de l’Eglise.
Physiquement, mais pas que.
Nous avons remercié dieu.
Il est donc sorti de ma vie, le jour où Elle est sortie de la sienne.
J’ai continué à passer ma main au feu du skaï noir durant trois ans.
Puis j’ai grandi, je n’ai même plus cru à l’utilité de me punir d’être vivante.
Mais quand le soleil est particulièrement brûlant, je me souviens d’Elle, mon amie, ma sœur.
J’ai continué à passer ma main au feu du skaï noir durant trois ans.
Puis j’ai grandi, je n’ai même plus cru à l’utilité de me punir d’être vivante.
Mais quand le soleil est particulièrement brûlant, je me souviens d’Elle, mon amie, ma sœur.
16 avril 2012
Comme ils ont eu raison de sortir !
Combien de fois, à quelques enterrements, le curé nous prêchi-prêcha son Bon Dieu plutôt que dire l’ami-e qu’on est venu pleurer! Comme ton récit est profondément humain !
Mais combien de vies as-tu eu Ko ?
C’est drôle que tu me demandes ça, tu n’es pas le premier à me poser cette question ! :-)))
Le Dieu des curés n’a rien à voir avec celui des amoureux et des poètes….
Je reviens chez toi, percutant ton coeur, ta mémoire et j’en suis toute secouée. Tu exprimes si bien ce que nous sommes nombreux à avoir vécu, la foi en famille et, pour des raisons différentes, la disparition de la foi. Ton texte m’éclaire sur une étape de ma vie où un être cher meurt et emporte avec lui dans l’église de la tragédie quelque chose que je n’ai plus jamais retrouvé.
Je ne te dirai jamais assez combien j’aime tes chroniques.
Quand mon âme-sœur à moi était encore de ce monde, j’avais l’habitude de conduire avec la main droite sur sa cuisse, ou dans sa main. Maintenant, je me surprends souvent en roulant à poser ma main sur le siège passager… et à l’y laisser.
Merci mon Castor. C’est normal et tu fais bien parce qu’elle est forcément à côté de toi