j’ai vu tomber les miens
dans la flambée des bombes
et j’ai compté mes disparus
j’ai compté et hurlé
j’ai eu mal à la folie
j’ai eu peur à la folie
et j’ai fui
follement
mais je ne suis pas fou
j’ai fui avec ma peur
ma douleur
ma mémoire
et mon nom
mon identité sans papiers
j’ai fui sur la folie de la mer
ce désert de vagues
qui n’en finit pas de naufrager
j’ai fait l’appel
follement
de mes compagnons de survie
jour après jour
nuit après nuit
jusqu’à ne plus avoir personne
à compter
et j’ai hurlé à la folie
mais je ne suis pas fou
j’arrive en terre d’exil
où j’asile ma peur
ma douleur
ma mémoire
et mon nom
écrivez-le
écrivez-le pour moi
je m’appelle Ahmed, Mohammad, Zebiba,
Nawal, Ayad, Ganet…
22 juin 2017
Migrants dont tu te fais la bouteille, d’où nous parviennent ces mots Vénus de l’amer…
Fort ce texte, et poignante son écriture.
entre beauté du texte et désolation du récit
Sans doute aucun, vaudrait-il mieux être fou et que tout cela n’existe pas…
Je pense aussi à tous ces exilés au sein de leur propre pays, être poète dans l’Amérique de Trump, dissident tchèque dans les années 70 (lire « Toute une vie » de Jan Zabrana, éditions Allia), écrivain ou journaliste dans la Russie de Poutine, femme et athée en Arabie Saoudite (!)…etc… Mais ce qui différencie tous ces « exilés de l’intérieur » c’est que, pour la plupart, ils n’ont pas à subir la guerre, la famine, la mort. Car le pire en ce moment c’est bien d’être syrien, n’importe quel vivant en Syrie, qui ne donne pas la mort. Et c’est bien au titre de rescapé de l’enfer que l’on se doit partout de les accueillir, et non de traîner en justice ceux qui font preuve d’humanité en les aidant. Ton texte est un vibrant appel à notre solidarité, un poétique plaidoyer à une prise de conscience globale.
Des fois on reconnaît tout de suite la beauté d’un message
Il y a la matière
et le style
et l’âme
Magnifique. J’y vois, si tu me permets, pour une fois, un parfait retour, une jumelle, un renvoi à une chose de ma part appelée « nommez vous, vous qui m’oubliez ». Ce « nommez moi » a une très grande force, un impact qui dure. Oui, magnifique, vraiment.
Merci Joëlle pour ton beau texte, je ne m’en souvenais pas. Je me permets ici d’en mettre le lien
http://www.joelle-petillot-la-nuit-en-couleurs.com/2016/11/nommez-vous.html
Merci. C’est une joie pour moi qu’on se rencontre en plus des rencontres. Merci mon amêo.