Quinzième volet
Voyage…
Les rivières de vent
Oui je sais, j’ai perdu mes fenêtres d’éternité,
mes fenêtres du jamais,
j’ai perdu mon ciel.
Les avions sabrent de lignes de fuite mon nouvel horizon.
Oui je sais, j’ai perdu mes fenêtres d’essentiel.
Le soleil ne traverse pas,
il s’éteint sur mon abat-jour, mon abat-joie.
Sur mon écran s’affichent les rivières de vent,
du paysage en boîte, je sais.
Je peux fermer les yeux,
à tant fixer ces aubes
elles restent empreintes,
résiduelles.
Ouaga Wallaye Nawak (mes chiens), mes fidèles!
Mes mains gardent en mémoire
leur toucher de velours, sensuelle perpétuité.
Gianmaria Testa arpège,
il m’emporte,
il m’importe tant…
J’ai perdu mes fenêtres du jamais plus,
je n’y reviendrai pas,
j’ai déclaré forfait
illimité.
Dans ma rue des chagrins posthumes
il n’a jamais été si tard.
Il bruine, il nuit
sur ton échappée d’elle.
2010
Texte paru à La Barbacane N° 95/98
Un retour étranger
C’est le côté définitif qui désincarne cette maison.
Où ne pas être l’étrangère?
Ce n’est pas un retour que je vis,
c’est un départ. Aigu. Absolu.
Pourtant l’année était si blanche,
dans cet ailleurs de poussière.
On boit la vie et on s’aperçoit trop tard
qu’on avait oublié d’être ivre.
C’est le choix que l’on fait de ne pas savoir
où poser le bonheur.
Je me souviens qu’elle avait noué deux kolas
à un pan de son wax
et quelle avait les yeux vitrés de ceux qui vont partir.
J’ai perdu un des bracelets qu’Aïssa m’avait offerts.
Je voudrais que Solange laisse à jamais ouverte
la première déchirure de Kin.
Ça m’ennuierait qu’il oublie
la position du berger Peul.
Novembre 1993
Extrait de Allant vers et autres escales à L’Aigrette (2016)
Exil
Il y a du sable dans le vent
et du vent dans la lumière.
C’est peut-être ça, ce tremblement
devant les yeux.
Comme des mirages brouillés
vos visages qui tournent,
et les pages s’envolent
du cahier répertoire.
La Tour de Babel désertée.
Et c’est le ciel des fenêtres
qui me traverse et me dérive…
Les flaques de soleil
sur le miroir des dalles,
et la lumière du lac
qui danse sur les murs.
Et c’est peut-être ça,
ce pincement au coeur,
cette attente oubliée des rires improvistes,
quand on rajoute quelques assiettes
sur la table,
et une planche de coffrage
entre deux tabourets…
1993
Texte paru à La Barbacane N° 95/98
Des étoiles sous l’océan
Comme si tu m’atteignais
de ce même soleil
à travers les années,
quelques vitres plus loin,
simplement,
à quelques fêlures près.
C’est comme une eau qui se referme
sur ma vie :
engloutis, les secrets, à jamais là pourtant,
posés comme des naufrages,
comme des étoiles
sous l’océan.
Mais le miroir est lisse
où j’ai rivé toutes mes saisons.
1989
Texte publié à La Barbacane N° 95/98
Soif
Verte, la nuit sur la montagne.
J’ai ce vert là au fond de la mémoire
comme une tache éblouie.
La course des étoiles en pluie
dans le ciel renversé des flaques:
ces miroirs du monde
dans le creux des rochers.
J’échangerais tous les oublis
pour une seule parcelle de mon trajet inachevé
infini.
Soif de vivre
une vie à tous les vents.
1985
Texte paru à La Barbacane N° 95/98
Aube
Des étoiles épinglées au ciel
la nuit tendue comme un silence
et l’Est qui respire
et se déchire
et s’ouvre à l’aube comme une vague
comme un lent volet de bois bleu
comme une avalanche à l’envers
de lumière, une flamme d’eau
qui danse au fond du paysage
Du bonheur plein le regard
Juste ce regard là
Sans se retourner
1985
Texte paru à La Barbacane N° 95/98
et dans Ecrit(s) du Nord N° 23-24
Univers toi
Tu me souviens
présent,
sur nos doubles voies.
Ton empreinte musicale
au delà du miroir.
Et le temps nous traverse
de saisons parallèles,
aux mêmes constellations.
J’ai des visions de bleu très ciel
univers toi.
1979
Commentaires récents