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Quinzième volet

Voyage…

Le miroir de givre

La nuit était comme un miroir, le givre comme des étoiles.
La maison n’était encore qu’une lumière posée sur le flanc de la montagne.
Ce n’était qu’un point incandescent, comme le rougeoiement d’une cigarette.
J’ai marché longtemps, sur le chemin seulement éclairé par l’éclat des pierres sous la lune.
J’ai marché longtemps.
La lumière était comme un îlot de chaleur, tremblante et fragile comme un astre.
Au détour du sentier, je l’ai perdue de vue.
Un nuage étirait son filet de nacre dans le ciel.
La nuit était comme un miroir, le givre comme des étoiles.
Puis la lumière a reparu. Plus proche, plus grande.
J’ai marché longtemps vers elle. Je la voyais comme un feu de joie au milieu d’un désert bleu.
Le bois est devenu plus dense, les arbres se sont resserrés.
Je n’ai plus rien vu de cette maison illuminée.
Un ruban de brume serpentait la vallée comme une large rivière de silence.
La nuit était comme un miroir, le givre comme des étoiles.
La lumière m’est enfin reparue.
Elle était une fenêtre. Une grande fenêtre éclairée.
J’entendais des rires et de la musique, j’imaginais une cheminée.
Je voyais la pierre des murs et je voyais la porte ouverte.
Alors je suis entrée.
La maison était déserte.
Pas de feu dans la cheminée.
Un silence unique, sans rires ni musique.
Ce silence de l’attente, à fond perdu.
Une ampoule nue pendait au plafond, lumière absurde et crue.
Et accroché au mur, un immense miroir.
Un miroir pour me regarder, la solitude en face.
Un miroir qui avalait la nuit.
Le givre comme des étoiles.  

 

1983

Au temps d’encoches

Je me souviens de cette amitié Tchad
qui préféra noyer dans le Chari
le secret de son ventre d’enfant-femme.
Je me souviens de la route Léon M’ba
et de ce chien qui a traversé,
cet amour aux 15 ans solaires achevés là.
Je me souviens Maya- Maya
qui emportaient nos serments,
décollage imminent.
Autant d’encoches taillées
sur l’écorce de ma vie,
je ne vous ai jamais oubliés.
Le sourire d’Awa domine.
 

1990

Racines

Une seconde à souffrir de rien,
à souffrir d’incertain,
à pleurer d’un nuage sur l’instant,
mon seul pays, mon paysage.
Je voudrais arriver.
Je voudrais être de retour
quelque part,
rien qu’une fois.
Je voudrais venir d’où je viens.
Mais ce sont les brûlures
qui racinent ma vie
à différentes sources.
C’est un soleil-escale
qui amarre mon voyage
à ce bout de sourire.
Lune, ma maison ;
mon territoire de saisons
où je fugitive.
Et cet enfant sans visage,
au bord d’un trop plein de mémoire,
drôle de point arraché ;
mon double nulle-part.

 

1987

Autisme

Elle s’est vitrée de nuit,
étanche.
Sourire aveugle,
un cri au bord des yeux.
Elle message
et barricade tout à la fois,
c’est comme ça que je la vois.
Tu rêves une passerelle,
un rivage à son île,
une autre lecture du temps.
Glisser une étoile
dans le creux de ses poings
fermés.

 

1987

Bulle

S’envahir d’une île
lumière et bleue
S’enfuir d’horizon et de vague
submergée, bulle, infinie
Etre aux confins de l’eau et du sable
quand l’éclat de lune pétille
Etre la soif du rivage
et l’aube-nacre
fluide
absorbée

 

In L’or saisons éditions Tipaza

 

1987

Une page de vent

Ocre fraicheur
et Rouge vertige.
Bleu étincelle
et Mauve matin.
Lumière des arbres
dans l’attente Pluie/Nuit,
et la découpe en déchirure
d’une page de vent sur le silence.
           Le silence
           c’est un regard qui fuit,
           c’est un geste qu’on ne fait plus,
           c’est un faux-pas sur un obstacle.
Attention à la marche,
                    attention…

 

1988

Novembre

J’habite un miroir aveugle
J’habite un pas de funambule
J’habite une mémoire crue
J’habite un rocher bleu
où la lune s’éteint
                      Novembre aux fissures faciles
                      Novembre à fleur de nerfs
                      Novembre rouge et vert
                                                dissone    

 

1987