Quinzième volet
Voyage…
La désenclave
Comme si une sorte de nuit
Montait du long des berges
Dérives de brumes anciennes, tenaces
Verticales
Chaque instant se figeait comme une saignée de neige
Une coulée d’hiver
Le torrent immobile sous la pensée gelée
Puis s’ouvrait une brèche, une vague libérée
Une voie d’eau écrite dans la carène usée
Des peurs désuètes
Peut-être
Une veine d’aube enfin
Lune cadenassée, faire sauter le verrou
L’hiver désenclavé
28 février 2012
Ce que je sais le mieux non-dire
Qui me viendrait on ne sait d’où
Comme un silence révélé
L’irréversible tournure des choses
Vertige calcaire des falaises
Mais s’il m’avait fallu tomber
Depuis
Depuis le temps, je l’aurais fait
Il est trop tard, maintenant
Il est trop de nuits passées
Ce matin je relève ma vie
Une vire-voltige de neige
Des baisers doux de givres blancs
Un reste d’hiver italique saupoudré sur les épaules
Ce que je sais le mieux non-dire pour en arriver enfin là
C’est le coeur assidu qui bat
Le cœur qui bat et puis courir
Crisse, la trace de mes pas
Et puis la vie, et puis l’issue
Au bout du vent les bras offerts
Ouverts
Grand
janvier 2012
Publié dans la revue Incertain regard n° 8
Promesse
Je tiens le stylo prêt à dégainer les mots
des pensées volatiles d’amour tissues autour
comme un geste en suspens
A la jetée des ports artificiels
Une ancre/une encre à laquelle croire
Une corde traversière par delà l’illusion
Des gouttes de soleil comme des notes de soie
L’impression que la vie ne finit pas ses phrases
Mais c’est un nouveau monde
Et tout peut commencer
Janvier 2012
Adieu tristesse
Ne pas se retourner
Sur ce qui vient trop tard, souvenirs de sable
Messages d’alizés et lèvres scarifiées
De soif, je craquelle
Ne pas se retourner
Sahara où fleurissent les pétales de gypse
Roses d’ocre figées au clair des lunes fanées
Que j’amoncelle
Un rayon de janvier fulgure métallique
Sur les parois de verre aveugles des cités
crissent les soleils noirs des jours
pulvérisés
Je n’évanouis rien
Etreinte de mirages et de réalités
Mais j’aimerais condamner
Tout ce qui est passible de mes peines
Preuve en est l’horizon devant et la buée
Et le baiser soufflé offert au bout des doigts
Adieu tristesse, adieu
Il n’y a pas de portes ou bien elles sont ouvertes
18 janvier 2012
Clichés
Tu ne le sauras pas
J’ai volé des miettes de mémoire
Clichés dupliqués à l’infini clair-obscur
Paillettes mal éteintes
Reflets dévalisés dans le tain des miroirs
Au fond tu la tritures, cette souffrance mécanique
Tu la gardes en secours
Réflexe d’une douleur qui ne m’appartient pas
Il est encore déjà une aube de toujours
Mais je chéris la trace des morsures d’étoiles
Et la nuit reviendra
Et la nuit reviendra comme un ressort cassé
Et n’auront perduré que les minutes enfouies
Sous les poussières précieuses
Janvier 2012
Admettre
Bâillonner un trop plein de
Je me suis dit j’attends
J’attends demain et puis j’écris
…
La nuit a duré longtemps
…
(il fallait que la nuit passe)
Long temps
…
je voulais écrire en détaché
dé-tâchée de toutes les traces qui font ce que je suis
lissée de ces faux-plis de doutes
qui participent passé
ce qu’il reste de moi et qui m’abstient
démêler le possible et le dérisoire
donner une chance à l’indicible
accepter de funambuler sur cet étrange ici lointain
admettre
je me suis dit j’attends demain
et puis j’admets
Décembre 2011
Ecran
Au lendemain de toi
Je m’oblige à aller
Je cède au vacarme des rues
Le coeur roulé en boule au fond de la poche
Ta voix enfouie, mon silence avec
Je marche pour nous fuir, chaque pas est un chemin
Je retarde l’instant où je nous ferai face
J’économise ainsi la peur
Le froid
Je te fais une place ensevelie
Dans le vent bleu
Et puis le soir me rattrape
Un mouvement de toile
D’étoile ?
C’est comme quelque chose qui se défroisse
Et se replie
Et se défroisse
Décembre 2011
Si seulement
Il se lève des houles creusées à même l’amer
Ce n’est pas un combat mais cela y ressemble
Je tourne les vagues contre moi
je prends les armes que tu me donnes
je rêve des territoires brandis comme des offrandes
Il ne reste que les aubes où je ne serai pas
Il se lève un soleil malade de certitudes
un chant d’eau qui éclate et n’en finira plus
Je pourrais tout te dire, je pourrais tout te taire
Choisir des silences et des mots âpres-doux
raconter le lichen bleu sur les rochers
la porte de la grange toute lasurée de rouille
le renard qui mange dans la gamelle du chat
Faire et défaire ce que je dois
On ne peut pas garder ce qui n’existe pas
Inventer des verrous, des serrures et des clés
Je pourrais même aussi nous trouver des excuses
pour que toute cette histoire ne soit pas moche
au fond
Nous vouloir élégants
dans notre façon d’en rester
là
Décembre 2011
L’insomnie inutile
Je lutte pour retenir les heures qui dérivent
arrimer les images à toutes les vérités
de celles qui nous élèvent
de celles qui nous trahissent
ces vérités soumises à conditions expresses
d’être renouvelées
cette météo des pages encore encrées d’éclairs
les colères inédites, la rage, les orages
l’obscur comme un réflexe
je suis pour les couchants safranés sur les îles
filaos de Noël et noix de badamiers
je suis pour tout ce qui ne m’a jamais fait peur
je lutte pour retenir la neige des lilas
la beauté compromise de l’hiver qui arrive
nouvelle saveur du froid sans le parfum de sève
du bois à peine coupé
je lutte pour tenir
je ne veux pas dormir et ça ne sert à rien
de traverser la nuit comme ça, les yeux ouverts
mais je ne veux rien perdre
j’ai trop perdu déjà
absurde et ironique insomnie inutile
tristesse automatique
Novembre 2011
Espers
Dans le vent de là-bas
Aujourd’hui j’évolue sous des rampes de lumières
Des milliers de néons comme une trainée de poudre
Des rêves propagés comme des incendies
Des comètes noyées au ciel d’aujour/nuit
S’il reste la lueur d’une flamme quelque part
Elle n’illumine rien
Elle n’écarte pas la pénombre alentour
Elle n’est pas un geste de reflet qui danse
Au ciel d’aujour/nuit les feux n’ont d’autre chaleur
Que celle des souvenirs
Des poussières d’étincelles échappées des Bengale
Ce n’est pas une victoire
Ce n’est pas une défaite non plus
Espoirs de papillon à se brûler les ailes ?
Peut-être
Mais pas sûr…
Novembre 2011
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