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Quinzième volet

Voyage…

Peut-être

Pencher au bord du monde
Les pieds sur Toujours
Corps tendu vers Jamais
Ou inversement, peu importe
Puisque Toujours n’existe pas,
Non plus Jamais
Infinis gouffres
Même la mort
Et même la vie
Sans parois
Seulement Peut-être auquel accrocher-cœur
Il bat fort

14 mai 2015

Bonne nuit soleil

Petit Kinou a 3 ans et demi et il est toujours dans la lune.

C’est ce qu’on lui dit souvent :  Petit Kinou tu es dans la lune.       

 

Bonne nuit soleil

 

Ou bien: – Tu as la tête dans les nuages. C’est vrai qu’il marche le nez en l’air, à regarder les nuages qui s’étirent et se gonflent comme de la barbe à papa-pâte à modeler.

 

Bonne nuit soleil

 

L’enfant y voit des formes d’animaux bizarres. Il aimerait bien chevaucher ce gros lion gris à cornes de chèvres, par exemple.

Ou encore suivre la route blanche qu’un avion a tracé dans le ciel et qui ondule comme un serpent avec le vent.

Il aimerait bien cueillir un morceau de soleil et le garder avec lui, dans la poche de sa chemise pour avoir toujours chaud au coeur.

 

Bonne nuit soleil

 

La nuit, il reste longtemps le nez à la fenêtre de sa chambre.

Il regarde la lune et les étoiles. Il voudrait tenir la lune dans sa main ou s’endormir avec une étoile dans le creux de son poing fermé.

 

Bonne nuit soleil

 

Un jour, Tonton Zouzou vient manger à la maison et annonce  à toute la famille qu’il va bientôt faire un grand voyage.

– Tu vas où, Tonton? – En Patagonie. – C’est loin? – C’est à l’autre bout du monde. Le bout du monde! Petit Kinou n’en croit pas ses oreilles. Il imagine Tonton Zouzou au bout du monde,

 

Bonne nuit soleil

 

au bord du monde…

– Oh Tonton! Tu m’emmènes au bout du monde? – C’est impossible pour cette fois-ci, mais toi aussi un jour, tu iras au bout du monde.

Petit Kinou réfléchit et dit :
– Tonton, tu pourras attraper un bout de soleil ?

Juste quand il se couche, il sera bas, tu l’attrapes dans son lit…

Tonton Zouzou rigole et répond :
– Mais tu veux que je me brûle ! C’est du feu, le soleil…

 

 

Bonne nuit soleil

 

 – Ah ! Dit petit Kinou, déçu. Une tranche de lune, alors ?

C’est froid, la lune.

– Trop haute !

– Mais si tu es au bord de la Terre, tu mets une échelle. 

 

Bonne nuit soleil

 

– Au bord de la Terre ? Tu veux que je tombe ! Dit Tonton Zouzou.

Par contre je peux peut-être attraper une étoile filante au passage. – Faut bien viser, dit Papa.

– C’est vrai !? S’exclame petit Kinou.
– Vous avez fini de dire des bêtises ? Dit Maman en souriant.

Finis ton yaourt, c’est l’heure d’aller au lit.

 

Bonne nuit soleil

 

Plus tard, quand petit Kinou va se coucher, il n’arrive pas à s’endormir.

Il regarde le croissant de lune accroché dans le ciel et il lui vient une idée.

 

Bonne nuit soleil

 

La lune, elle tombe dans l’eau, il l’a déjà vue dans la mare en bas du jardin. Il suffit de la pêcher !
Il se relève sans bruit, enfile ses chaussons, grimpe sur une chaise pour attraper la lampe de poche sur la cheminée et sort.

Il prend son épuisette et descend au jardin. Il est tellement excité qu’il n’a même pas peur du noir.

 

Bonne nuit soleil

 

La lune est bien là, dans la mare.

Petit Kinou plonge son épuisette dans l’eau, mais la lune se brouille tout à coup.

Elle passe en mille éclats par tous les trous de l’épuisette.

– Tu as cassé la lune, côasse une grenouille.
– Tu l’as cassée, tu l’as cassée ! Reprennent en choeur

toutes les grenouilles de la mare.

 

Bonne nuit soleil

Bouleversé, petit Kinou lâche son épuisette et court se cacher dans son lit sans même regarder le ciel.

 

Bonne nuit soleil

 

Il a tellement honte !

Quand il se lève le matin, il est tout angoissé. Mais ni Papa ni Maman ne le grondent. Ils ne savent pas encore quelle énorme bêtise il vient de faire…

Ce n’est qu’en fin d’arès-midi, alors que le soleil va bientôt se coucher, qu’il ose retourner dans la mare. Il essaye de voir les débris de lune
dans l’eau, mais il n’y a plus rien.

Elle a dû ramasser ses morceaux et partir fâchée.

Petit Kinou a envie de pleurer quand soudain, il remarque à ses pieds des grains de sable étincelants sous le soleil.

C’est bientôt le crépuscule.

 

Bonne nuit soleil

 

Vite, vite, petit Kinou court chercher sa boîte à secrets. Une jolie boîte en bois. Il enferme dedans une poignée de grains de soleil.

Mais une fois rentré à la maison, quand il ouvre sa boîte, les grains de soleil ne brillent plus.

Petit Kinou se souvient alors du jour où il a voulu enfermer une coccinelle.

On lui avait dit :

– Si tu fermes la boîte, elle ne peut pas respirer, elle va étouffer.

Voilà, encore une grosse bêtise : il a éteint le soleil…!

 

Bonne nuit soleil

 

Maintenant la nuit arrive. Et la lune ne se lève pas.   Elle est fâchée.   La nuit est noire foncée   Et quand le jour se lève, le lendemain, le soleil non plus, ne se lève pas. Il pleut.   Et petit Kinou pleure. Il pleure dans son lit quand Tonton Zouzou arrive.

– Je suis venu te dire au revoir. Mais qu’as-tu ? Pourquoi pleures-tu ?

– J’ai cassé la lune, dit petit Kinou entre deux sanglots. Et il lui raconte comment il a cassé la lune en voulant la pêcher avec son épuisette.

– Voyons, tu n’as pas cassé la lune, ce que tu voyais n’était qu’un reflet !
Tu te vois, dans le miroir ? Si je casse le miroir, tu vas tomber en morceaux ?

 

 

Bonne nuit soleil

 

Petit Kinou reste encore inquiet.

– Mais la lune n’est plus là !
– Parce qu’on ne la voit pas toujours. Quand tu seras un peu plus grand, je t’expliquerai.

Tu verras que la nuit prochaine, un croissant de lune va se lever. Et s’il est dans l’autre sens, ce n’est pas parce que tu l’auras mise

à l’envers !

 

Bonne nuit soleil

 

– Oui mais tu sais, dit petit Kinou, il pleut

et c’est de ma faute : j’ai éteint le soleil.

Tonton Zouzou éclate de rire.

– Dis-donc, toi qui es si fort, tu peux rallumer le soleil tout de suite ?
Ah ! Je savais bien que c’était à cause de toi, s’il pleut aujourd’hui !

Ecoute, petit Kinou. Je te promets que demain il fera beau. La météo a prévu un grand soleil.

 

Bonne nuit soleil

 

Petit Kinou n’a pas le temps de demander « C’est qui Météo ? »
parce que Tonton Zouzou plonge la main dans la poche de sa veste et lui dit :

– J’ai un cadeau pour toi. Je l’avais trouvé un jour, pas loin de chez moi. Et il lui tend un petit caillou tout rond et granuleux. – Ca s’appelle une météorite. C’est un vrai bout d’étoile filante.

 

Bonne nuit soleil

 

Petit Kinou est impressionné. Il soupèse le caillou dans sa petite main et le serre contre son coeur. – Tu l’as vu tomber ? T’as failli le prendre sur la tête ? – Heureusement non, elle m’aurait fait une bosse, rigole Tonton Zouzou. Tiens, ça aussi c’est pour toi. – Oh merci, dit petit Kinou. Ça c’est pour faire des bulles de savon, je connais ! – Oui, mais avec ça, tu peux attraper le soleil, aussi…   Tonton Zouzou n’a pas menti.     La lune est revenue                                       et le soleil aussi. 

 

Bonne nuit soleil

 

Petit Kinou, le jour, passe des heures à faire mille et mille bulles de savon. Il regarde le soleil briller dans chaque bulle. Et ça fait mille et mille bulles de soleil.

 

Bonne nuit soleil

 

Quand le soleil va se coucher au bout du monde, dans son lit en Patagonie, petit Kinou est heureux de retrouver la nuit. 

 

Bonne nuit soleil

 

Il s’endort avec une étoile
dans le creux de son poing fermé.

Janvier 2000

Il était une foi

Il était une foi
 
 
Quand je rentrais chez moi avec le car de ramassage, après ma journée continue d’écolière, je grimpais sur le siège surchauffé au soleil d’Afrique et à 13 h 05 précisément, j’appliquais ma main sur le skaï noir.
Jusqu’à ce que le saisissement de la douleur s’éteigne.
Je retirais alors ma paume, j’attendais que la chaleur redevienne brûlante à nouveau et je recommençais à offrir ma peau à la morsure.
Parce que j’étais vivante et qu’elle ne l’était plus, mon amie, ma sœur.
C’était comme une offrande, un rituel.
Chaque jour d’école à 13 h 05, j’offrais ma souffrance en gage de fidélité.
Un reste de culpabilité judéo-chrétienne.
Auparavant, j’allais à la messe tous les dimanches, préparation de la première communion oblige.
J’avais une foi toute culturelle, Dieu existait à la maison, point.
Tous les dimanches j’allais donc à l’Eglise et je priais :
    – Mon Dieu, faites que je pêche une grosse daurade grise (parce que nous allions à la pêche tous les dimanches).
Ma foi était donc très infantile mais j’en avais une.
Jusqu’au jour de l’accident.
Quand j’ai perdu mon amie, ma presque sœur.
A la cérémonie d’enterrement, il faisait un soleil implacable, comme d’habitude. La chaleur était suffocante, le chagrin plus encore.
Presque toute l’école était massée là, dans l’église.
Enfants de 10 à 15 ans. Pas seulement, bien sûr, il y avait beaucoup d’adultes.
Mais je parle des enfants de l’école parce que ce jour-là, le curé a fait de nous toute une génération d’athées en prononçant cette phrase :
   – Remercions Dieu d’avoir rappelé Anne-Marie à Lui.
Nous étions en train de faire l’apprentissage de notre première douleur d’adultes.
Nos jeunes fois ont craqué comme des coquilles vides sur lesquelles on marche.
A ces mots-là, tous les enfants de l’école sont sortis de l’Eglise.
Physiquement, mais pas que.
Nous avons remercié dieu.
Il est donc sorti de ma vie, le jour où Elle est sortie de la sienne.
J’ai continué à passer ma main au feu du skaï noir durant trois ans.
Puis j’ai grandi, je n’ai même plus cru à l’utilité de me punir d’être vivante.
Mais quand le soleil est particulièrement brûlant, je me souviens d’Elle, mon amie, ma sœur.
 
16 avril 2012

Travelling

A l’Ouest, du nouveau.

Musique de Mark Knopfler

J’aime bien que l’éclipse émiette la lumière sur la mer
J’aime bien quand la brume absorbe les éoliennes
Et le solfège des étourneaux
J’aime bien rétroviser les lampadaires
Et la géométrie fouillis des vignes
J’aime bien la mosaïque des miroirs
Et le rire de l’eau à travers les larmes de saules
J’aime bien tout ce que tu brilles
Quand le poème se propage d’une étincelle à l’autre
Sur le fil conducteur des oiseaux

7 avril 2015

Le mur tapuscrit

Billets divers patafixés
Voyages, concerts et cinéma
Mur étiqueté, tapuscrit
Histoire de croire une vie remplie
Patiences éprouvées
De sombre en sombre en ombre claire
Le dégradé d’un écho vallonné
Lumière crayeuse des carrières
Et ce bleu qui perdure dans mes retours
A la ligne – fût-elle brisée –
L’espace fine entre les mots
J’écris
J’ai cri jusqu’à la mer

3 mai 2015

Çà et là

Jamais je n’avais vu de peupliers embrasés
leur lumière propagée çà et là
comme foyers émeraude

D’ailleurs jamais
je n’avais vu les peupliers
ni çà, ni là

Seulement nos pas dans les ornières
La résurgence des sources perdues

24 avril 2015