
Quinzième volet
Voyage…
Cendres d’anges
Poème à deux voix dédié à Romain 10 ans
Sabine Venaruzzo et Colette Daviles-Estinès
Cendres d’anges
Il est beau, le ciel, maman
Avec ses fleurs qui éclatent
Dans le bleu blanc et rouge
Je vois le rose de tes joues
J’entends l’écho ivre d’un tonnerre
C’est la fête qui se propage ?
Je n’entends pas la mer, maman
Une clameur, une seule, bruit
Comme une vague d’angoisse
Ne cesse d’aller et venir
La nuit chavire, maman
Un ciel feu réveille la ville
Tandis que les roues sauvages
Propulsent les poussettes folles
La nuit chavire, maman
Les pas se désunissent
Et zigzaguent les corps
Sur un drapeau flottant
La nuit chavire, maman
Le cri s’est engorgé dans l’aiguille du temps
La baie rouge s’essouffle
Au silence multiplié de la mer
Et dans tes mains
De la cendre d’anges
16 juillet 2016
Noir marine
Sur le fil de l’orage
Lumière noir marine
Avive l’espace accru du blanc
Pâte de gouache épaisse
Au couteau sur nos failles
14 juillet 2016
Ummagumma
J’ai ouvert la porte de la chambre de mes frères et les ai trouvés toutes lumières éteintes, volets clos.
– Qu’est-ce que vous faites ?
– Chut, m’ont-ils répondu.
Je me suis assise à côté d’eux sur le lit.
Une musique douce battait comme un cœur bat, comme un pas qui avance.
Ça durait, ça durait…
Ils avaient l’air d’attendre quelque chose et j’attendais avec eux, dans le noir.
Une voix a chuchoté Kerfoul vataxiou gène. L’un de mes frères a tendu le bras pour monter le volume du tourne-disque puis un cri – mon dieu, ce cri ! – a déchiré l’obscurité.
J’ai crié aussi, j’ai bondi hors du lit, me suis jetée sur la porte.
Leurs rires étouffés m’ont stoppée dans mon élan. Ils avaient arrêté le disque.
– Encore, ils ont dit.
– Encore, j’ai dit.
Je suis revenue me pelotonner entre eux et ils ont remis la musique, qui battait douce.
Je retenais mon souffle. J’attendais comme eux que vienne la terreur délicieuse.
9 juillet 2016
Rouge
Comme un feu de ciel
Une petite braise de cigarette
Tous les panneaux d’interdiction
Le papier de soie des lanternes
Velours poudreux d’une rose sèche
Piste ondulée de latérite
L’eau de la cerise à la bouche
A bouche pleine, le baiser
Le geste drapé d’une robe
Sur talons cloutés flamenco
Evidemment comme
Le fanion de la mort fiché
Sur le cuir noir des corridas
La colère des enfants debout
La boue d’argile d’Ipoka
Des attentats
Rouge cri
8 juillet 2016
La tête au volcan
J’ai la tête au volcan. Oui, c’est là que je dors.
Je veux dire que mon lit est orienté sud-est dans la chambre que j’occupe chez mon frère, en cette nuit de juillet 2014.
Sud-est, dans la direction du Piton de la Fournaise.
Il n’est pas loin, il est à juste à 5 minutes. A vol d’hélicoptère.
Ah cet hélico ! Je l’ai vu tourner cet après-midi. Il longeait les flancs du Piton.
Quand on voit l’hélico c’est signe que la Fournaise est peut-être sur le point d’entrer en activité, m’a-t-on dit.
Nous étions au bord de l’océan, au pied du volcan, sur la route des laves. Cette route se nomme ainsi parce qu’elle traverse les différentes coulées qui ont débordé à plusieurs reprises jusqu’à la mer.
Elle est régulièrement refaite parce qu’elle est régulièrement emportée par de la lave fraiche. Chaude, je veux dire.
Bon là, ce n’était plus un feu liquide, c’était de la roche dure et noire. Par endroit râpeuse, toute alvéolée d’aspérités coupantes. A peine émoussée par un lichen bleu rampant à fleur de pierre.
Par endroits, lisse au contraire, comme vitrifiée en larges aréoles. On dirait de la bouse de vache mais c’est beau. Avec une végétation maigre et courageuse qui mettra quelques dizaines d’années avant de luxurier.
La lave était encore tiède, cependant, et fumait sous la bruine. Çà et là, quelques fumerolles. Le lieu était hanté de chiens jaunes faméliques sortis de nulle part.
Je ne voyais malheureusement pas la crête, ensevelie sous un nuage gras.
J’ai d’abord entendu l’hélicoptère avant de le voir. Il tournait autour du volcan. Il tournait et tournait, son bruit sans fin, puis il est sorti du brouillard .
Il était rouge, le ciel ! Il se passait quelque chose, c’est sûr ! J’étais subjuguée par la couleur de la brume. Pas rouge comme du feu hein, mais cuivrée.
Surexcitée, j’espérais, là, tout de suite, une éruption.
Le Piton de la Fournaise ne fait pas d’éruption, me dit mon frère. C’est un volcan effusif.
D’accord. J’attendais qu’il effuse.
Mais la pluie tombait, le soir aussi, il a fallu repartir.
Alors cette nuit-là, allongée dans mon lit orienté Piton de la Fournaise, je ressasse mon émerveillement. Je suis celle qui a vu rougir le brouillard autour d’un volcan qui va entrer en activité. J’ai le cerveau qui bout.
Et j’entends, oui j’entends bien ! Un hélico qui tourne dans la nuit. Au sud-est, là où j’ai la tête de mon lit.
Je sors et je vois le ciel rouge ! Enfin cuivré, je veux dire.
Le volcan doit entrer en activité, c’est sûr ! Je ne distingue pas cet hélicoptère dans la nuit, trop de brume épaisse, mais c’est bien rouge (cuivré) côté volcan.
Je retourne chercher mon caméscope qui est prévu pour filmer en basse lumière.
Et je filme la nuit, en espérant qu’il pourra en enregistrer la couleur.
Histoire de pouvoir témoigner demain : J’ai vu le volcan entrer en activité, hier soir !
Je me précipite ensuite sur mon ordi pour y transférer mes images.
…
C’est noir…
Au moment du petit-déjeuner, je raconte à ma famille :
– Je vous jure, le ciel était rouge. Et j’entendais l’hélico tourner !
– Faut qu’on écoute les infos, ils vont dire s’il y a eu quelque chose.
– Ah j’étais déçue que la caméra n’ait pas pu prendre ça.
Franchement…
Je me suis interrompue. Nous étions là, autour de la table de la cuisine, et voilà que j’entendais toujours ce foutu hélico ! Mais personne d’autre que moi n’y faisait attention.
Parce que juste à côté de la table, dans cette cuisine qui jouxte la chambre où je dors la tête au volcan, il y a un frigo américain qui imite à s’y tromper le bruit d’un hélicoptère.
Orienté sud-est, le frigo.
8 janvier 2015
D’un lacet l’autre
D’un lacet l’autre
La route s’emboue
S’encailloute aux orages
Et peu importe
D’un lacet l’autre
J’ai fait du chemin
Un grand désordre déroulé
Comme un torrent
Comme une rivière
Comme un ruisseau
Comme une sève
Et tout soudain
D’un lacet l’autre
La vie s’irrigue
De coquelicots impressionnistes
4 juillet 2016
Extrait de L’or saisons aux éditions Tipaza
Clôture
Dans un gras pâturage
d’effrayants gras moutons
La peau de leurs ventres
est tendue comme la mort
Sur le fil de clôture
sèche un crapaud
et – tac et tac – son écorce
tresse des étincelles
29 juin 2016
Chaleur
A l’aplomb du ciel
se rétractent les ombres
Chaleur épaisse
Une mouche fouille la chair de l’air
Elle vibre et s’agace
au carreau bleu du jour
22 juin 2016
Arts plastiques
Au Mas d’Azil (09) et Rafiotcyclé à Serres (05)
Musiques d’Eddy Louiss « Tout piti », Hadouk Trio « Centaurea » et Wasis Diop « Toxu »
21 juin 2016
Le jardin dans ma tête
Ce jardin, je ne l’ai pas
Mais il me suit ou me précède
Je l’habite partout dans ma tête
Des rossignols couvrent le bourdon acouphène des étoiles
Et la rivière nappe la gringotte des rossignols
Phrases d’un silence liquide comme la nuit
La nuit est volubile
Elle amplifie aux arbres la chamade du vent
Elle anticipe une bordée de tourterelles
Jetée par-dessus l’aube
14 juin 2016
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