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Quinzième volet

Voyage…

Ainsi vont

Je compte ceux qui ont compté
Ils nourrissent les feux de friche
de mes pages
habitent le silence qui sourd
Etoiles chaque nuit ravivées
chaque matin happées
dans la grande roue de l’aube
Et la vie continue

18 septembre 2017

 

Tri

Je laisse ma mémoire aux mouettes
Je ne garde pas la mer
seulement l’hiver de son rivage
Je prends l’ocre et la falaise
où j’ai suspendu deux volets

Je laisse les rues sous la pluie
et leurs lueurs diffractées
Je garde le miel de la lumière
Je prends la lune sur le palier

Je laisse la colère
aux colporteurs de nuit
Je garde le lait de l’aube
et les étoiles perdues
Je prends tout ce qui fulgure

En long, plusieurs libellules
En large, deux tortues dodelinent
En travers, quatre poules malgaches
picorent le grain du bois

Je laisse, je garde, je fais avec
Je prends la mesure des murs
Ma vie se démesure toute seule
Je peux encore y mettre de la joie

 

2 septembre 2017

 

Irrationnelle ?

Peur irrationnelle
à la mesure de
la beauté des horizons brûlés
Les vents fouisseurs
ont foré dans la roche
des tourbillons de néant

Peur de tout perdre
maintenant que j’ai tant
Ne rien omettre de la joie
quitte à parfaire
le contour des choses

Instants éparpillés
dans le désordre des étoiles
si délébiles à force de n’être plus

Fines spirales au cœur de l’arbre
où s’inscrit le temps concentrique

De la peur et de la beauté
et de la vie qui passe
je ne contrôle rien
Je n’ai jamais tenu
que la lumière des voix et des visages

 

11 août 2017

 

Sept ans de malheur

Ce matin-là un miroir s’était cassé. Echappé des mains de ma mère ou de mon père, je ne sais pas.
Je me souviens seulement de la phrase de mon père : Sept ans de malheur !
Phrase inconsidérément lancée, sur le ton de la boutade. Ma mère avait frissonné et boudé au moins dix minutes, ce qui était rare.
Un petit miroir de rien du tout s’était cassé juste avant notre journée à la plage du Dahu à Port-Gentil.
Tous en famille comme tous les dimanches, sur ce même bout de plage toujours désert. Mes frères plongeaient sous-marine, ma mère bronzait sur le sable avec un livre, entrait souvent dans l’eau lorsqu’elle avait trop chaud. Moi je passais mon temps dans les vagues ou sur le cocotier couché. Il avait poussé à l’horizontale et se balançait sous la poussée de mes jambes, je m’imaginais sur un cheval.
Mon père, lui, ne se baignait jamais. Il restait avec quantité de journaux et de revues.
Prenait quand même des coups de soleil sous le parasol, tant était forte la réverbération sur le sable si blanc.

Pourtant ce jour-là, il décida pour la seule et unique fois de tout notre séjour au Gabon, d’aller nager.
L’océan à cet endroit pouvait être entièrement lisse, mer étale.
Il se retirait parfois très loin à marée basse, infinie plage.
Cette fois-ci, l’océan était marée montante et particulièrement agité de gros rouleaux.
Dans le fracas des vagues et les remous d’écume, mon père n’entendait pas ma mère l’appeler.
Lorsqu’il sortit enfin de l’eau, il s’aperçut qu’elle était en larmes.
— Mais mais mais (mon père répétait toujours le mot mais, trois fois) pourquoi tu pleures ?
— Mais mais mais, bégaya ma mère à son tour, exprès pour le singer, exaspérée d’avoir eu si peur.
Tu ne te baignes jamais et aujourd’hui tu décides d’aller dans l’eau. Juste le jour où on casse un miroir ! C’est toi, qui as dit sept ans de malheur…

Mon père ne s’est pas noyé, les sept années qui ont suivi n’ont pas été malheureuses. Ma mère a boudé encore au moins dix bonnes minutes, ce qui était rare.

 

27 juillet 2017