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Quinzième volet

Voyage…

Ce jour où je ne suis pas revenue

J’ai vu défiler les talus secs
aux herbes brûlées par l’hiver
J’ai vu défiler les chênes bruns
J’ai vu défiler mon pays
comme on voit défiler sa vie
au moment de mourir
Il s’agissait bien de cela
mourir à tout mon paysage
mourir à tout ce que j’habitais
En bas, la lumière était chaude sur les tours
J’entendais résonner mes pas
Je marchais, je courais presque
comme si j’étais pressée d’aller là où je ne savais
Je n’étais pas joyeuse
je ne pleurais pas
je savais seulement que je ne revenais pas

2 mars 2019

 

 

Oublier

C’est trop lourd
tout ce temps à exhumer
Trop de pierres éboulées
trop d’ombres à défaire
des congères et des congères de silence
Ajouter du bois vert sur la sole
et la sève chuinte
couve sous la brûlure
Tu attends une mise à jour de la souffrance
mais viens, on oublie !

9 février 2019

 

Par l’odeur affamée

L’odeur des poulets de rôtissoire dans la rue m’affame.
Quelle que soit l’heure, même s’il est très tôt, même si je viens de déjeuner.
Tu as déjà eu faim ? Très, je veux dire. De cette faim qui te crampe l’estomac. En ne sachant pas quel et quand sera ton prochain repas ?
Moi il m’est arrivé, d’avoir très faim en passant devant les poulets qui rôtissent en devanture, sur les trottoirs.
Mais rien ne m’empêche d’en acheter un. Ou bien s’il est déraisonnablement tôt, d’aller tromper ma faim avec n’importe quoi. Un bout de pain, trois cacahuètes, un chocolat chaud.
Je sais qu’un repas m’attend au bout du matin.
Et chaque fois, je pense aux gens qui ont faim. Qui passeraient là, et qui mangeraient des yeux, et qui mangeraient des narines. Et qui tendraient les mains parce que c’est agréablement chaud, une rôtissoire, lorsque tu as froid.
Tu as déjà eu froid ? Très, je veux dire. De ce froid qui mord et qui brûle. En n’ayant rien sur toi et ne sachant où aller pour t’en protéger ?
Moi il m’est arrivé d’avoir très froid dans la rue dans un trajet court, d’une maison bien chauffée à une autre. Alors rien de mieux qu’une rôtissoire pour prendre un peu de chaleur. Et rien de pire pour me donner faim. Et chaque fois, je pense aux gens qui n’ont ni le vivre ni le couvert et qui passeraient là.
Et chaque fois je me demande : osent-ils se réchauffer un petit moment au risque de se torturer à cette odeur affamante ?

27 janvier 2019