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Quinzième volet

Voyage…

Mon chat, ce fils de chien

La chatte s’appelait Miel Miaou, c’est le nom que mon petit garçon de fils lui avait attribué. Nous ne gardions jamais ses petits mais nous avons gardé Jean-Louis. C’est le nom que mon ado de fils lui avait attribué (le même fils, il avait grandi).
Drôle de nom pour un chat mais il n’en était pas à une anomalie près. Car ce chat était dénaturé.
Certes, il avait tout d’un chat normal. Ni plus beau ni plus moche qu’un autre, deux oreilles, une queue, des moustaches, les yeux verts.

Nous l’avons gardé, Jean-Louis, parce qu’il avait la particularité d’avoir été élevé par Wallaye, une de nos chiennes.
En même temps que Miel Miaou, Wallaye s’est tout d’un coup mise à donner tous les signes d’une mise bas imminente. Ventre énorme et montée de lait. Nous étions intrigués, il ne nous avait pas semblé qu’elle attendait des petits, pourtant ! Force fut de constater qu’elle faisait une grossesse nerveuse.
Nous avons trouvé Miel Miaou et Wallaye toutes les deux terrées dans la cave entre les cagettes de pommes de terre et le sac d’orge pour les cochons.
La chatte avait fait quatre chatons, quatre tigrés roux, tout comme elle. Ils se ressemblaient tous.
Nous pouvions repérer Jean-Louis au fait qu’il avait le cou en permanence mouillé. Il était mouillé parce que chaque fois que la chatte s’absentait, Wallaye le prenait par la peau du cou pour le ramener entre ses pattes et lui offrir son ventre aux mamelles gonflées. Elle voulait le faire sien.

Déviance génétique ? Car il faut dire que Ouaga, sa mère, avait elle aussi tenté d’adopter un bébé chat alors qu’elle venait d’accoucher de Wallaye. Elle avait volé un chaton à Miel Miaou qui avait mis bas dans les bambous et avait tenté de l’élever. La chatte venait le reprendre et Ouaga repartait le chercher. J’ai plusieurs fois assisté à leurs aller-retours, le chaton dans la gueule de l’une puis en sens inverse dans la gueule de l’autre. Jusqu’à ce que la chatte abandonne la partie. Hélas, les tétines de la chienne étaient trop grosses pour le bébé chat, il n’a pas survécu, ne pouvant pas téter.
Mais Wallaye avait donc passé les premiers jours de sa vie avec ce frère félin contre son flanc, leurs odeurs de chiot et de chaton mêlées.
Heureusement, elle laissait Miel Miaou lui reprendre Jean-Louis chaque fois qu’elle venait le chercher pour l’allaiter. Ensuite la chienne allait le récupérer pour le ramener contre son ventre.
Elle écartait les pattes lorsque nous venions la voir, comme si elle était fière de le montrer, son beau bébé roux bien nourri qui grandissait ainsi entre deux mères. Chéri et doublement léché.
Lorsqu’il a commencé à marcher et à s’aventurer hors de la cave, Wallaye le surveillait jalousement et le prenant par la peau du cou, ne le laissait pas longtemps dehors, surtout s’il y avait du monde.
Il n’est pas étonnant alors que ce chat ait un comportement de chien. Il me suivait partout puisqu’il suivait mes chiennes. Il attendait à l’ombre d’un chêne, que j’aie fini mon travail comme “sa mère” Wallaye, “sa grand-mère” Ouaga et plus tard “sa sœur” Nawak.
Lorsque je repartais, les chiennes vigilantes m’emboîtaient automatiquement le pas. Mais je ne pensais pas à appeler Jean-Louis qui s’était assoupi quelque part, dans les rangées de haricots.
Lorsqu’il se réveillait et qu’il s’apercevait de notre absence, il remontait à la maison en protestant. Nous l’entendions miauler de tout en haut. Il miaulait tout le long du chemin, manifestement indigné d’avoir été abandonné. Nous ne pouvions pas le voir mais nous pouvions suivre tout son parcours.

Il miaulait en traversant le bosquet de pruneliers, il miaulait en longeant l’enclos des cochons, il miaulait sous l’arcade des bambous, il miaulait toujours en franchissant le seuil de la maison, il miaulait encore en s’affalant sur le carrelage de l’entrée.
Ne nous concédant pas un ronronnement avant très, très longtemps.

 

10 août 2019

 

Trio la joie

Pierre de Bethmann
et son clavier pétillant
Sylvain Romano
et son chapelet de notes contrebasse
Tony Rabeson
et sa batterie syncopée d’épices
Ces trois-là se causent et se répondent
Ces trois-là s’aiment et s’amusent
Ils n’ont pas volé la cane de Jeanne
ils l’ont envolée
Public complice de leurs confidences éclatantes
Public receleur de joie

 

23 juillet 2019

 

La même page

On ouvre toujours le livre à la même page
souvenirs cornés
et l’on retrouve les mêmes images
cette chienne inquiète
à qui l’on a pris les petits
Elle s’appelait Moana
comme l’enfant bantou
ou le grand large
On ne sait pas pourquoi on l’avait appelée comme ça
On ne sait pas non plus ce qu’elle est devenue
on ne se rappelle plus
Mais on ouvre le livre et elle est là, fidèle
toujours à la même page
à chercher ses petits
leur odeur sur mes mains
L’enfant à presque naître
avait choisi cette page-là
pour chavirer
On ouvre toujours le livre à la même page
même si on l’a tournée
même si la vie depuis
a tenu d’autres promesses

 

9 juillet 2019

 

Pour le Fée’Stival Coquelicots et Bleuet quel beau bouquet !

Pour le Fée’Stival Coquelicots et Bleuet quel beau bouquet ! il m’a été demandé d’écrire un texte afin de témoigner de ma vie de maraîchère. A vrai dire, parler de légumes ne me passionne pas plus que ça. J’ai aimé ce métier malgré sa dureté, j’ai aimé ma vie. J’aimerais mieux parler de mes chiennes. Ou des copains. Non ? Bon. Ce qu’on appelle une saison à 900 mètres d’altitude est une saison très courte. Semer planter biner désherber arroser cueillir. Arriver à gagner l’argent de toute une année en cinq mois. L’été, les journées sont longues. Dès le réveil, à 6 h du matin, avant même de prendre le premier café, descendre dans la campagne pour changer l’arrosage de place. Nous n’avons qu’une source d’alimentation en eau. Une source justement, captée à 3 km de là et acheminée par un seul tuyau le long de la route. Nous devons faire des rotations pour arriver à tout arroser. Tout au long de la journée, changer l’arrosage de place. Après le repas du soir, attendre minuit pour redescendre dans la campagne et le changer une dernière fois pour la nuit. Avec les chiennes. Semer planter biner désherber cueillir. Je suis la reine du désherbage à la main des carottes. J’ai la patience pour ça. Je peux le faire pendant des heures sous le soleil. J’aime la chaleur. Les lundis d’été, cueillir les haricots aussi, c’est mon truc. Cueillir pendant des heures sous le soleil. Suivie de mes chiennes qui avaient appris à ne jamais marcher dans les légumes. Dès qu’elles voyaient que la terre était prête à être cultivée, elles n’y posaient plus une patte. Elles rampaient le long de la parcelle où je travaillais, parfois tendaient le cou pour attraper délicatement un haricot pour goûter. Finir même à la tombée de la nuit, à l’aveugle. Mes doigts continuent à voir, eux. Cueillir sous la pluie battante des orages aussi. Pas le choix. Les mardis sont jours de marché, les lundis il faut cueillir, même s’il pleut. Parfois commencer le dimanche parce qu’il y a le reste à cueillir aussi. Les poireaux, les carottes, les tomates, les courgettes, les salades, les céleris, les betteraves, les radis, les navets, les salades, les fenouils, les épinards, les choux. L’automne, les oignons et les patates sont déjà ramassés et stockés dans la cave, les courges, les potimarrons sont rentrés au chaud dans la maison. Mon record de cueillette de haricots, 100 kg à moi tout seule en une journée. Ensuite il faut les trier, en trois catégories. Les gros, les moyens, les fins. Ça, j’aimais moins. J’étais assise à une table ce n’était pas fatigant mais ça m’agaçait les doigts. Et puis la fête malgré tout, toujours. Faire à manger pour des tablées de copains. Mais les copains m’aidaient, aussi. Faire la fête, passer une nuit totalement blanche et au lever du soleil, descendre dans la campagne pour changer l’arrosage et cueillir… Mis à part les oignons et les patates, il faut tout laver pour enlever la terre. Les cueillettes d’automne sont les pires. On a encore tous les légumes d’été et déjà tous les légumes d’hiver. Laver et éplucher les poireaux dans une brouette emplie d’eau, brosser les carottes et faire des bottes. Je me souviens du premier lundi très froid d’automne, l’eau dans la brouette pleine de poireaux était si glacée que j’ai voulu ajouter un arrosoir d’eau chaude pour que ce soit moins pénible. Mais l’eau gelait instantanément au fur et à mesure que je la versais. Vers la fin de l’été, nous disions Vivement cet hiver qu’on se repose. Mais l’hiver, la moindre vaisselle, ou lessive, tout est plus compliqué aussi. L’eau de la maison venait du village à 2 km de là, dans un tuyau à l’air libre le long de la route. L’hiver, ne surtout pas oublier de laisser couler un filet d’eau au robinet dès la tombée du soir. Sinon elle gelait. Repérer alors les bouchons de glace et dégeler le tuyau au chalumeau. Attendre que la neige fonde, pour cela. En attendant, puiser de l’eau dans le bassin où se jette l’eau de la source (casser la glace du bassin, avant). Mettre la machine à laver le linge en route et veiller, au sifflement particulier qu’elle avait, pour verser un arrosoir d’eau chaque fois qu’elle appelait à boire. On a réussi à ne pas la flinguer, gentille machine. L’hiver, c’est la saison des truffes aussi. C’est une autre histoire…

Encore

Je suis conditionnée à me recroqueviller
dès qu’un soleil me roule dessus ma vie

Sortir du rôle de celle qui n’oublie pas
Etre juste celle qui va et

qui va

Domestiquer ma main, le stylo, les mots
parce que j’écris sauvage et traduis comme ça vient
La spirale des peurs, les démons dans mon ciel
la lune éternellement croissant
Apprivoiser l’idée d’un croissant devenir
Et l’idée d’un Encore
Alors d’accord :
Encore

Janvier 2012