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Quinzième volet

Voyage…

Je reviens de la nuit

J’ai quinze ans à Brazza
et le jour se lève
chaleur et moiteur déjà
montent autour de mes jambes

Les matins sont pâteux
quand on ne dort pas
J’ai quinze ans
et reviens de la nuit

Vivre au jour le jour
mais à la nuit la nuit
aussi

Neil Young, tes accords
J’ai toujours quinze ans à Brazza
et reviens de la nuit

 

18 mai 2020

La confinitude

“On a eu l’impression, pendant cette épidémie, que la réalité devenait plus agréable: le ciel était bleu, il n’y avait pas de voitures… il y a un espoir que des choses changent” (Hubert Reeves , La terre vue du coeur)

Certes, mais ce que je vois, c’est que ça a agi comme un révélateur de choses bien petites aussi. Moi je n’ai pas d’espoir que les choses changent. L’humanité n’en sortira pas grandie parce que l’humanité n’est pas grande. L’humain est petit et le restera. Ce que je vois, c’est le verre à moitié vide. Même si malgré tout, on peut voir le verre à moitié plein, il y a des gouttes qui le font déborder. Ces gens qui veulent chasser la voisine infirmière parce qu’elle est en contact avec des covidés et risque de contaminer l’immeuble… Ce propriétaire qui veut virer un locataire malade parce qu’il n’est pas question qu’il crève dans son appartement… La délation, les petites haines culpabilisatrices et donneuses de leçon, l’égoïsme des petits mon cul d’abord (je ne parle pas que du PQ). Cette humanité est monstrueuse, comment voulez-vous avoir de l’espoir ? Je ne parle même pas de ce gouvernement incompétent qui nous sert des discours huileux pour mieux nous en…tuber ni de ses chiens de garde qui abusent du pouvoir qu’ils ont et ces autres chiens de garde qui abusent du pouvoir neuf qu’il s’improvisent et se donnent. Exemple, cette gérante de supermarché qui refuse l’entrée à un homme parce qu’il vient chaque jour prendre un litron de vin sous prétexte que ce n’est pas un achat de première nécessité…
Tous ceux qui sont grands (mes amis, je vous aime), le sont parce qu’ils l’étaient déjà, merveilleux de générosité et d’humanité tout simplement. Ils le restent.
Je suis une privilégiée, mon chez moi est magnifique, ouvert sur les arbres et les oiseaux. Je ne peux pas me plaindre.
Je me mets à la place de celles et ceux qui n’ont pas même un balcon à leur fenêtre. Je vois passer des publications aigries et jalouses. Je peux comprendre mais j’ai mes limites : la délation me révolte et je ne la comprends pas. Allo la gendarmerie ? La voisine laisse ses gosses jouer dehors / Il y a une personne dans mon immeuble qui n’habite pas là normalement / Un couple fait ses courses en ne respectant pas la distance de sécurité…
J’ai la chance d ‘être confinée avec l’homme que j’aime et il n’est pas question de gestes barrière entre nous, moi c’est dans ses bras que je me sens en sécurité.
Et puis je connais une personne, confinée en ville dans un tout petit studio. Alors qu’elle a perdu ses chats, sa vue sur la montagne et sa rivière, (je ne dis pas son nom, elle se reconnaîtra), elle, quand elle prend son téléphone, ce n’est pas pour appeler les gendarmes, c’est pour vous lire un poème.
Je salue aussi la multiplication de ces échanges poétiques via les réseaux et les courriers électroniques, circulation de pépites.
Je salue aussi la créativité, l’inventivité de ces billets ou dessins ou vidéos d’humour. C’est généreux de donner du rire.

Je salue la solidarité de ces gosses (ce ne sont plus des gosses mais l’un d’eux est le mien alors je me permets) qui se sont pris une amende de 135 euros chacun pour non-respect de l’interdiction de regroupement amical alors que l’un d’eux rapportait simplement le linge propre de ses copains qui vivent en colocation dans une maison dont la machine à laver est en panne.

Il paraît que je suis une personne à risque et qu’il me faudra être vigilante lorsque je sortirai. Mais je suis déjà contaminée par la rage, c’est pas bon pour mon cœur, m’sieu l’agent.
Je ne m’ennuie pas, je n’ai jamais su m’ennuyer. Je fabricole des poupées à l’effigie des amis, ça me permet de penser très fort à eux, je couds notre amitié avec le fil qui nous relie. J’écris de la poésie et je fais des vidéos avec des images qui me viennent des oiseaux, c’est ma manière de m’échapper.
Enfin, il ne me semble pas que ce soit une poésie cui-cui les petits oiseaux, mais il paraît quand même que ça agace. On voudrait que je témoigne de mon confinement avec souffrance, la souffrance est de mise.

Mais je souffre, voyez bien. Je souffre de mon manque d’espoir en cette humanité hallucinante de laideur. Il y aura de l’espoir lorsque les cerveaux, eux, ne seront plus confinés. Les cerveaux de ceux qui ont le cœur masqué.
Ayé, je l’ai fait mon témoignage de confinement sur l’actualité barbelée, j’ai vidé mon verre.

 

8 mai 2020

 

Aujour’nuit

On se demande pourquoi
il ne fait pas sommeil
s’il fait lune aujour’nuit ?
On déroge à la lune trop souvent ces temps-ci
ce temps qui passe
pendant ce temps
et on se demande ce qu’on fait là, encore
debout à prendre froid

Car il fait trop froid
pour aller sous la lune dehors vérifier

Si le feu n’était pas éteint
on ajouterait du bois
Ne te découvre pas d’un fil
perdu
quelque part
en avril
alors qu’on est en mai

On cherche les mots qui poignent
une musique à décrocher le cœur
ou quelque chose qui y ressemble

4 mai 2010

 

Bagne and Breakfast

C’était le 30 décembre 2019.
J’ai fait peu de prises de vues. Je n’ai rien filmé de ce qui me perturbait. Trop perturbée, justement.
La vidéo qui suit je l’ai faite pour alimenter mon souvenir. Elle ne montre pas, elle tait.
Elle n’est qu’un support à mon texte.
Parce que ma colère, je ne veux pas la taire.

En Nouvelle-Calédonie, nous avons visité Prony. Le village de Prony fut transformé en pénitencier en 1873. Cent-cinquante forçats y furent envoyés. En 1889, 300 condamnés vivaient sur le site. Une mine de fer y fut ensuite exploitée de 1956 à 1968.

Prony’s Paradise. C’est ce qui est écrit sur une pancarte à l’entrée du camp. Une ancienne maison minière rénovée semble occupée par des touristes. Je me demande s’ils ont bien compris où ils se trouvaient, s’ils ont réfléchi avant de réserver le gîte, s’ils ne regrettent pas d’être là, à passer une nuit ou plus en chambre d’hôte, à petit-déjeuner avec vue sur la baie de Prony ?
Combien ont-ils payé la beauté du lieu ? Parce que c’est beau, c’est vrai, les banians aux incroyables racines qui phagocytent les ruines, comme s’ils cherchaient à étouffer l’Histoire.
Combien ont-ils payé le calme ? Parce que c’est très calme, Prony.
On n’entend que les oiseaux. Et la mer qui roule des vagues noires sur la boue rouge du rivage.

Une borne avec des itinéraires fléchés. L’itinéraire du bagne :
Poudrière, Chapelle, Chemin de halage, Cimetières, Punitions et supplices.

Supplices…
Des caisses en bois étroites, d’à peu près un mètre de hauteur. Et une caisse du même gabarit mais avec une face vitrée pour que l’on puisse voir à travers. Ce qu’on voit à travers, c’est un mannequin. Il porte un costume blanc de bagnard. Il est courbé dans une position étrange, car il n’est ni assis, ni debout, ni à genoux, ni accroupi. L’étroitesse de la cage ne lui permet aucune de ces positions. S’il était un être vivant, il geindrait de souffrance. Mais on n’entend que le silence. Des vivants ont été enfermés là, à sa place. Des vivants avec de la chair et des os et du sang. Et qui ne souffrent plus parce que ça fait plus de cent ans maintenant. Le silence est habité de leur silence. Mon cœur qui me bat dans les tempes.

Devoir de mémoire, oui…
Besoin de refouler, pour les Calédoniens, ce pan de leur Histoire, oui ?

Mais comment peut-on donner à l’enfer de Prony le nom de Prony’s Paradise ?


La musique est de Ibeyi : « BARASU-AYO »

24 avril 2020

La portée

On ferme les yeux
et s’ouvrent d’autres fenêtres
Une portée de quelques lignes électriques
La partition est écrite dans le ciel
où la lune dièse
Je me souviens des musiciens


Pour Pascaline et Werner que je n’ai pas vus depuis le début du confinement. Vous me manquez, les copains !

 

6 avril 2020

 

Le pouls du monde

Ecran clavier
Prendre le pouls du monde
Se laisser contaminer par la rage et même
la haine, je l’assume

Prendre des nouvelles des siens
des miens
la mienne
Il suffit qu’elle écrive hi hi
sur son clavier
et moi j’entends son rire de paillettes

alors avril est à la fenêtre

 

2 avril 2020