Il y a cette photo d’elle
elle et la photo, si lumineuses
une déflagration de bonheur
c’était peut-être un instant heureux
ou pas
ou trop
Cette photo est déchirée
Il y a ces photos d’elle
toujours sur ces marches
entre le jardin et les volets
Elle et vous, bébés bouclés dans ses bras
au soleil
Il y a toujours du soleil sur les marches
même en noir et blanc ça se voit
Il y a cette photo de toi portée
par un bras sans visage
Le visage, elle l’a déchiré
Chimie argentique
Quelle est la vérité révélée ?
On peut tout croire
Tout porte à croire
Elle vient souvent rôder autour de cette maison
pour tenter d’apercevoir le jardin
les marches les volets les bébés
Un jour elle est venue
elle a vu
le soleil sur les marches
entre le jardin et les volets
fermés
Il n’y avait plus de bébés
La vérité, c’est la violence
Depuis elle a endossé le silence
Seules les photos crient
Ce silence qu’elle m’a transmis
je l’ai endossé aussi
comme un habit
alors j’écris
et la souffrance a changé de corps
propagée
propagée comme une vague
une lame de fond
en gestation
depuis combien de temps ?
Le temps ne s’est pas arrêté
pour autant
pas tout de suite
Vous avez eu le temps de vous croire abandonnés
J’ai eu le temps de vous savoir
fratrie volée
Elle a eu le temps de survivre
au manque
et vous aussi
Elle a eu le temps de mourir
et toi aussi
Il faudrait que tu reviennes
j’ai les photos que tu cherchais
C’est par donner
qu’elle a comblé le manque de vous
avec nous
comme elle a pu
comme elle a su pourtant
tellement aimante
La vérité, c’est la douceur
S’est-elle sue pardonnée
de n’avoir rien commis ?
24 octobre 2020
Une tresse de douleur et de beauté……
magnifique déchirure! quel beau texte dévoré par l’absence, et ces photos qui hurlent ton histoire…