L’odeur des poulets de rôtissoire dans la rue m’affame.
Quelle que soit l’heure, même s’il est très tôt, même si je viens de déjeuner.
Tu as déjà eu faim ? Très, je veux dire. De cette faim qui te crampe l’estomac. En ne sachant pas quel et quand sera ton prochain repas ?
Moi il m’est arrivé, d’avoir très faim en passant devant les poulets qui rôtissent en devanture, sur les trottoirs.
Mais rien ne m’empêche d’en acheter un. Ou bien s’il est déraisonnablement tôt, d’aller tromper ma faim avec n’importe quoi. Un bout de pain, trois cacahuètes, un chocolat chaud.
Je sais qu’un repas m’attend au bout du matin.
Et chaque fois, je pense aux gens qui ont faim. Qui passeraient là, et qui mangeraient des yeux, et qui mangeraient des narines. Et qui tendraient les mains parce que c’est agréablement chaud, une rôtissoire, lorsque tu as froid.
Tu as déjà eu froid ? Très, je veux dire. De ce froid qui mord et qui brûle. En n’ayant rien sur toi et ne sachant où aller pour t’en protéger ?
Moi il m’est arrivé d’avoir très froid dans la rue dans un trajet court, d’une maison bien chauffée à une autre. Alors rien de mieux qu’une rôtissoire pour prendre un peu de chaleur. Et rien de pire pour me donner faim. Et chaque fois, je pense aux gens qui n’ont ni le vivre ni le couvert et qui passeraient là.
Et chaque fois je me demande : osent-ils se réchauffer un petit moment au risque de se torturer à cette odeur affamante ?
27 janvier 2019
Très touchant, touchante Colette. Même avec de la compassion, il est difficile de s’imaginer cette misère humaine. Cette souffrance qui trop souvent nous est offerte à la vue…et pourtant, nous poursuivons toujours notre chemin malgré un pincement au coeur, malgré le malaise et l’inconfort. Il n’y a que l’amour qui pourrait sauver l’humanité, mais il semblerait que l’argent est plutôt dominant. L’argent, par malheur, n’a pas de sentiment.
Je t’embrasse
Je pense à Brassens, « l’auvergnat ».
Quoi de plus difficile que de ne pas pouvoir?
Il y a peu de temps, j’ai dit à quelqu’un qui me sollicitait:
« Vraiment, je ne peux pas »
Et il m’a répondu:
« Au moins, toi, tu me regardes et tu me réponds »
Je ne l’oublierai pas.
en allant avec toi nous vivi*ons les mêmes sentiments, senteurs frissons faim froid
bravo et merci
Il m’est venu à l’esprit les mêmes mots que ceux de Claude. Prévert …
Les uns consomment, les autres crèvent. Quel est ce monde dans lequel nous vivons pendant que d’autres meurent de froid et de faim presque sous nos yeux ? Qu’a-t-il fait de nous ? ………………
Ah, ceci aussi : quelque chose de la prose poétique du Spleen de Paris, me suis-je dit en le relisant. Trouvez pas ? Ceci est un compliment.
Votre texte n’est pas fait de considérations : le porte un sobre témoignage personnel, c’est sa force, on se met à votre place en même temps qu’à celle de ces autres, démunis à tous les vents des rues, si nombreux. Très émouvante question finale… Oui, Prévert… Et oui, le grand tourmenté-attendri des Effarés, Arthur. Merci Colette
Me fait penser à Prévert : « Il est terrible, le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain, il est terrible ce bruit quand il résonne dans la mémoire de l’homme qui a faim »…..