J’avais écrit cette histoire pour mon fils, quand il avait 11 ans.
J’ai trouvé une boite enfouie dans le sable au bord de la mer.
Dans cette boite il y avait ce carnet.
Je ne connaissais pas la texture de son papier ni la couleur de son encre.
Surtout, il était rempli de signes étranges.
Dans cette boite il y avait ce carnet.
Je ne connaissais pas la texture de son papier ni la couleur de son encre.
Surtout, il était rempli de signes étranges.
Je l’ai fait analyser par des archéologues, des scientifiques, des experts.
Ils disent qu’il est très ancien, qu’il daterait même du temps où les continents ne faisaient qu’un !
C’est une découverte étonnante, car il a toujours été dit qu’en ce temps là, les hommes n’existaient pas.
La lecture de ce qui va suivre atteste du contraire.
Car les chercheurs ont fini par décoder cet étrange alphabet.
Et voici ce qui est écrit :
Ils disent qu’il est très ancien, qu’il daterait même du temps où les continents ne faisaient qu’un !
C’est une découverte étonnante, car il a toujours été dit qu’en ce temps là, les hommes n’existaient pas.
La lecture de ce qui va suivre atteste du contraire.
Car les chercheurs ont fini par décoder cet étrange alphabet.
Et voici ce qui est écrit :
Je suis un collectionneur de rêves.
Je cueille dans ma besace tous les rêves du monde.
Je les trie, je les répertorie pour le plaisir.
Je les compte et les raconte aux autres s’ils sont jolis.
Je les exauce, aussi.
Je distribue ainsi des petits bonheurs autour de moi, en échange de sourires.
Car je collectionne aussi les sourires en même temps que les désirs.
Un mendiant rêve d’un repas chaud ?
Hop, je cueille son rêve, je fais apparaître une assiette pleine et fumante, et j’empoche un sourire émerveillé.
Je peux aussi satisfaire le rêve d’os d’un chien, comme le rêve de pluie d’une plante assoiffée.
Je ne compte plus le nombre de petits camions-pompiers distribués à beaucoup de petits garçons.
Je cueille dans ma besace tous les rêves du monde.
Je les trie, je les répertorie pour le plaisir.
Je les compte et les raconte aux autres s’ils sont jolis.
Je les exauce, aussi.
Je distribue ainsi des petits bonheurs autour de moi, en échange de sourires.
Car je collectionne aussi les sourires en même temps que les désirs.
Un mendiant rêve d’un repas chaud ?
Hop, je cueille son rêve, je fais apparaître une assiette pleine et fumante, et j’empoche un sourire émerveillé.
Je peux aussi satisfaire le rêve d’os d’un chien, comme le rêve de pluie d’une plante assoiffée.
Je ne compte plus le nombre de petits camions-pompiers distribués à beaucoup de petits garçons.
En arrivant un jour sur une terre inconnue, je rencontre un méchant tyran borgne.
Il est entrain de jouer avec les hommes comme s’ils étaient des pions sur un échiquier.
Il range les blancs d’un côté, isole les noirs de l’autre.
Les jaunes sont nombreux, il les aligne très loin.
Les rouges sont une poignée, il les parque dans un enclos.
Soudain il m’aperçoit et me jauge de la tête aux pieds, de son oeil unique et cruel.
– Tiens, dit-il, un nouveau pion ? Qui es-tu, toi ?
– Je suis le collectionneur de rêves.
– Majesté! Hurle le roi borgne. Tu dois dire Majesté, quand tu me parles !
– Majesté, dis-je, conciliant. As-tu un rêve que je puisse satisfaire ?
Le roi borgne se radoucit et me regarde intéressé.
– Oh oui, je veux régner sur le monde !
– Je ne peux pas satisfaire ce genre de rêves, car les rêves ne peuvent se contredire.
– Comment ça !? Tonitrue le tyran.
– Si tu rêves de la même maison que ton voisin, je peux t’en donner une.
Mais si tu rêves de la maison de ton voisin, je ne peux la lui enlever.
Si tu rêves d’assujettir les autres, cela va forcément aller à l’encontre de leurs désirs.
– Insolent ! Sache que personne ne peut me contredire ni me contrarier, moi le Roi! Gardes, jetez-le en prison !
Des gardes se précipitent sur moi et m’enferment à double tour dans une geôle, sous le château. Mais il me suffit de rêver que je suis libre pour sortir de là.
Je me retrouve à nouveau devant le Roi borgne.
– Quoi ?!…Que !?…bredouille le tyran.
– Je n’ai jamais rêvé d’être enfermé, dis-je gaiement.
Impressionné, le borgne réfléchit.
– Allons, c’était une blague, soyons amis, dit-il d’un ton doucereux. Quel genre de rêve peux-tu réaliser ?
Par exemple, peux-tu donner aux gens l’envie de m’aimer ?
S’ils rêvent que je sois leur maître, s’ils m’adorent, s’ils me vénèrent, ils seront heureux de tout faire pour moi ! Y a t-il du mal à cela ?
– Je peux le faire, mais quel intérêt ? Si je n’ai plus de rêves différents à collectionner, je vais m’ennuyer.
– Je te donnerai plein d’or !
– L’or ne me fait pas rêver.
– Tu pourras t’acheter tout ce que tu veux !
– Ça ne m’intéresse pas.
Ivre de colère, fou d’orgueil, le borgne vexé me fait à nouveau enfermer.
Cette fois-ci, les gardes creusent un trou dans la terre, me jettent au fond du trou et posent une lourde dalle de marbre par dessus. Evidemment, je rêve d’air et de lumière et me retrouve dehors.
Je m’éloigne alors du château, car cet horrible individu commence à m’agacer !
Je rencontre dans un champ, un homme noir qui travaille.
Il a l’air épuisé. Une lourde chaine entrave ses chevilles.
– Pourquoi es-tu enchainé ?
– Je suis un esclave, me répond-il.
– Mais pourquoi ?
– C’est le roi qui l’a décidé ainsi.
– De quoi rêverais-tu ? Qu’est-ce qui te ferait le plus plaisir ?
– La liberté, bien sûr ! me dit l’homme.
Hop ! La chaine disparaît.
Je cueille le sourire magnifique de l’esclave libéré et continue ma route.
Un groupe d’enfants attire mon attention. Deux filles et trois garçons.
Ils me voient m’approcher et s’éparpillent comme une volée de moineaux.
Je saisis un gamin au passage.
Il a l’âge de rêver d’un petit camion-pompier mais il me dit terrorisé :
– Pitié, ne nous dénoncez pas !
– Voyons, de quoi as-tu peur ? De quoi vais-je te dénoncer ?
– On n’a pas le droit d’être plus de deux et nous étions cinq !
– Et alors ? Dis-je sans comprendre.
– Pour le roi, si on est plus de deux réunis, c’est que l’on complote contre lui. Il peut nous faire fusiller, pour ça ! Je laisse aller l’enfant, les autres sont déjà loin.
Je rebrousse alors chemin et m’en vais retrouver le roi borgne.
Il suffoque de me voir apparaître, lui qui me croyait enseveli sous terre avec une dalle d’une tonne au dessus de la tête.
Je ne lui laisse pas le temps de parler.
– Majesté, j’ai réfléchi. Je ne vois pas pourquoi je ne t’aiderais
pas à réaliser ton rêve.
Le roi fait un grand sourire si laid que je n’ai pas du tout envie de le cueillir, celui-là.
– Pour que cela soit possible, lui dis-je, il faut d’abord que tu réunisses tous tes sujets.
– Tous ?
– Tous.
– Même les noirs ? Toutes les couleurs mélangées ?
– Toutes les couleurs de peau, oui.
– Et les femmes avec les hommes ?
– Les femmes avec les hommes.
– Les riches avec les pauvres ?
– Tous. Tu dois tous les réunir.
– N’est-ce pas dangereux ?
– Que risques-tu ? Je dois les voir tous ensemble pour leur insuffler le désir d’être à ta botte. Il me faudra une nuit entière, pour cela.
Et au matin, tu seras le maître de ton univers.
Le tyran ordonne alors à ses gardes d’aller chercher tous les hommes et les femmes, les enfants et les vieillards, les Jaunes, les Blancs, les Noirs,les Rouges.
Ils le font avec violence et je frémis de les voir frapper ceux qui n’avancent pas assez vite.
Ils bousculent les vieux qui ont du mal à marcher, arrachent inutilement les enfants des bras de leurs mères.
Ils ont l’air de rassembler un immense troupeau de bêtes, sous l’oeil unique et fou du tyran.
La foule émet à peine un murmure tant elle est terrorisée.
Les gens sont tous agglutinés les uns aux autres.
– Majesté, laissez-nous, maintenant, dis-je au borgne.
Allez vous coucher. Je vous promets que demain sera un monde nouveau.
Il est entrain de jouer avec les hommes comme s’ils étaient des pions sur un échiquier.
Il range les blancs d’un côté, isole les noirs de l’autre.
Les jaunes sont nombreux, il les aligne très loin.
Les rouges sont une poignée, il les parque dans un enclos.
Soudain il m’aperçoit et me jauge de la tête aux pieds, de son oeil unique et cruel.
– Tiens, dit-il, un nouveau pion ? Qui es-tu, toi ?
– Je suis le collectionneur de rêves.
– Majesté! Hurle le roi borgne. Tu dois dire Majesté, quand tu me parles !
– Majesté, dis-je, conciliant. As-tu un rêve que je puisse satisfaire ?
Le roi borgne se radoucit et me regarde intéressé.
– Oh oui, je veux régner sur le monde !
– Je ne peux pas satisfaire ce genre de rêves, car les rêves ne peuvent se contredire.
– Comment ça !? Tonitrue le tyran.
– Si tu rêves de la même maison que ton voisin, je peux t’en donner une.
Mais si tu rêves de la maison de ton voisin, je ne peux la lui enlever.
Si tu rêves d’assujettir les autres, cela va forcément aller à l’encontre de leurs désirs.
– Insolent ! Sache que personne ne peut me contredire ni me contrarier, moi le Roi! Gardes, jetez-le en prison !
Des gardes se précipitent sur moi et m’enferment à double tour dans une geôle, sous le château. Mais il me suffit de rêver que je suis libre pour sortir de là.
Je me retrouve à nouveau devant le Roi borgne.
– Quoi ?!…Que !?…bredouille le tyran.
– Je n’ai jamais rêvé d’être enfermé, dis-je gaiement.
Impressionné, le borgne réfléchit.
– Allons, c’était une blague, soyons amis, dit-il d’un ton doucereux. Quel genre de rêve peux-tu réaliser ?
Par exemple, peux-tu donner aux gens l’envie de m’aimer ?
S’ils rêvent que je sois leur maître, s’ils m’adorent, s’ils me vénèrent, ils seront heureux de tout faire pour moi ! Y a t-il du mal à cela ?
– Je peux le faire, mais quel intérêt ? Si je n’ai plus de rêves différents à collectionner, je vais m’ennuyer.
– Je te donnerai plein d’or !
– L’or ne me fait pas rêver.
– Tu pourras t’acheter tout ce que tu veux !
– Ça ne m’intéresse pas.
Ivre de colère, fou d’orgueil, le borgne vexé me fait à nouveau enfermer.
Cette fois-ci, les gardes creusent un trou dans la terre, me jettent au fond du trou et posent une lourde dalle de marbre par dessus. Evidemment, je rêve d’air et de lumière et me retrouve dehors.
Je m’éloigne alors du château, car cet horrible individu commence à m’agacer !
Je rencontre dans un champ, un homme noir qui travaille.
Il a l’air épuisé. Une lourde chaine entrave ses chevilles.
– Pourquoi es-tu enchainé ?
– Je suis un esclave, me répond-il.
– Mais pourquoi ?
– C’est le roi qui l’a décidé ainsi.
– De quoi rêverais-tu ? Qu’est-ce qui te ferait le plus plaisir ?
– La liberté, bien sûr ! me dit l’homme.
Hop ! La chaine disparaît.
Je cueille le sourire magnifique de l’esclave libéré et continue ma route.
Un groupe d’enfants attire mon attention. Deux filles et trois garçons.
Ils me voient m’approcher et s’éparpillent comme une volée de moineaux.
Je saisis un gamin au passage.
Il a l’âge de rêver d’un petit camion-pompier mais il me dit terrorisé :
– Pitié, ne nous dénoncez pas !
– Voyons, de quoi as-tu peur ? De quoi vais-je te dénoncer ?
– On n’a pas le droit d’être plus de deux et nous étions cinq !
– Et alors ? Dis-je sans comprendre.
– Pour le roi, si on est plus de deux réunis, c’est que l’on complote contre lui. Il peut nous faire fusiller, pour ça ! Je laisse aller l’enfant, les autres sont déjà loin.
Je rebrousse alors chemin et m’en vais retrouver le roi borgne.
Il suffoque de me voir apparaître, lui qui me croyait enseveli sous terre avec une dalle d’une tonne au dessus de la tête.
Je ne lui laisse pas le temps de parler.
– Majesté, j’ai réfléchi. Je ne vois pas pourquoi je ne t’aiderais
pas à réaliser ton rêve.
Le roi fait un grand sourire si laid que je n’ai pas du tout envie de le cueillir, celui-là.
– Pour que cela soit possible, lui dis-je, il faut d’abord que tu réunisses tous tes sujets.
– Tous ?
– Tous.
– Même les noirs ? Toutes les couleurs mélangées ?
– Toutes les couleurs de peau, oui.
– Et les femmes avec les hommes ?
– Les femmes avec les hommes.
– Les riches avec les pauvres ?
– Tous. Tu dois tous les réunir.
– N’est-ce pas dangereux ?
– Que risques-tu ? Je dois les voir tous ensemble pour leur insuffler le désir d’être à ta botte. Il me faudra une nuit entière, pour cela.
Et au matin, tu seras le maître de ton univers.
Le tyran ordonne alors à ses gardes d’aller chercher tous les hommes et les femmes, les enfants et les vieillards, les Jaunes, les Blancs, les Noirs,les Rouges.
Ils le font avec violence et je frémis de les voir frapper ceux qui n’avancent pas assez vite.
Ils bousculent les vieux qui ont du mal à marcher, arrachent inutilement les enfants des bras de leurs mères.
Ils ont l’air de rassembler un immense troupeau de bêtes, sous l’oeil unique et fou du tyran.
La foule émet à peine un murmure tant elle est terrorisée.
Les gens sont tous agglutinés les uns aux autres.
– Majesté, laissez-nous, maintenant, dis-je au borgne.
Allez vous coucher. Je vous promets que demain sera un monde nouveau.
Sous la lune pleine et ronde, je passe la nuit à aller de l’un à l’autre, à chuchoter dans leurs oreilles, à caresser la tête des enfants.
Un mot par ci, une caresse par là. J’apaise, je rassure, et tout le monde m’écoute. Tout le monde se tait. Au matin, des milliers d’êtres humains se réveillent
libérés de leur tyran. Le roi borgne a disparu. Ils avaient tous eu le même rêve, le même désir.
Tous ensemble.
Ils ont tous fait le même souhait.
Moi, j’ai exaucé leur voeu unique: être libre. Le borgne n’est pas mort.
Il erre quelque part dans un désert.
Je ne lui ai pas menti : il est le maitre de son univers.
Un univers sans personne à qui faire du mal.
Un monde nouveau.
Il règne désormais sur les cactus et le sable. Les petits garçons peuvent se permettre de rêver simplement de petits camions-pompiers.
Souhaitez que le Roi borgne ne retrouve jamais le chemin qui mène aux hommes.
Soyez vigilants, ne cessez jamais de rêver.
Un mot par ci, une caresse par là. J’apaise, je rassure, et tout le monde m’écoute. Tout le monde se tait. Au matin, des milliers d’êtres humains se réveillent
libérés de leur tyran. Le roi borgne a disparu. Ils avaient tous eu le même rêve, le même désir.
Tous ensemble.
Ils ont tous fait le même souhait.
Moi, j’ai exaucé leur voeu unique: être libre. Le borgne n’est pas mort.
Il erre quelque part dans un désert.
Je ne lui ai pas menti : il est le maitre de son univers.
Un univers sans personne à qui faire du mal.
Un monde nouveau.
Il règne désormais sur les cactus et le sable. Les petits garçons peuvent se permettre de rêver simplement de petits camions-pompiers.
Souhaitez que le Roi borgne ne retrouve jamais le chemin qui mène aux hommes.
Soyez vigilants, ne cessez jamais de rêver.
Le manuscrit s’arrête là.
Depuis, les continents ont dérivé.
L’Histoire nous apprend qu’il existe toujours des rois borgnes dans le monde.
Peut-être existe t-il d’autres collectionneurs de rêves, qui enjambent les continents maintenant séparés, pour rassembler tous les peuples dans un même rêve
de liberté.
Depuis, les continents ont dérivé.
L’Histoire nous apprend qu’il existe toujours des rois borgnes dans le monde.
Peut-être existe t-il d’autres collectionneurs de rêves, qui enjambent les continents maintenant séparés, pour rassembler tous les peuples dans un même rêve
de liberté.
Décembre 2003
Je lis et relis ce conte merveilleux et a chaque fois je suis bouleversée de sa vérité. J’en rêve.
Lisant ces lignes aujourd’hui, dans ce temps suspendu où le pire pourrait arriver, j’en frémis …. Il est terriblement beau, ce conte.
Ton roi borgne a depuis une fille qui, déguisée en voyante, habite les rêves cauchemardesques de tout un peuple.
Hélas, ils se reproduisent…
J’aime ce premier conte que je viens de lire . Je le lirai à mon petit-fils Eliot . Je sens que ça va susciter beaucoup de discussions entre
nous deux et on adore ça….