
Quinzième volet
Voyage…
L’or saisons
Il appartient à la constellation du givre
Qui fleurit chaque matin d’hiver sous les pas
Il appartient au soleil
Qui goutte après la pluie
Sur l’été d’un chemin
Il appartient au souffle soyeux de l’air
Lorsque cille une branche
Prise dans l’aile du vent
Il appartient aux étoiles
à l’été
à l’hiver
à l’or des saisons qu’il habite
Langues patientes des troupeaux
À faire fondre le sel des pierres
12 octobre 2016
Les dernières noces
Des fleurs et des fleurs
Comme pour une noce
Des invités vêtus de vif
Et l’âme teinte
La mariée, je ne sais pas
Elle est cachée sous les roses
La seule à ne pas pleurer
Elle veille dans nos idées noires
Elle veille pour ne pas mourir
7 octobre 2016
Vœux d’étoiles
Août frotte les étoiles comme des allumettes
et j’allume des vœux à chaque lueur filante
Chacun de mes vœux est qu’il vive une vie
et tant qu’à faire la sienne
et tant qu’à être
heureux
30 septembre 2016
Là-bas… là bas
Petits nuages
vaguelettement pommelés
comme si le ciel
– cet océan –
venait s’échouer là
sur le rivage du jour
28 septembre 2016
Avec des si
Mettre
la vie en bouteille avec
des si
c’était à refaire
sans
la pluie
la nuit
tout ce qui pourtant nous grandit
jeter à la mer
l’amer des choses
25 septembre 2016
Et il pleut
L’averse couche des chemins de blé
Rafales fluides
*
Goutte après goutte
les feuilles hochent
l’herbe tressaille
*
Les enfants badigeonnent
de potelés escargots blancs
*
En vaguelettes urgentes
les petits fracas du torrent
sur la peau des pierres
*
Sur les trottoirs
la tête en bas
glissent de luisantes silhouettes
*
D’un geste essuyé-glacé
se recompose le paysage
*
Les rues du mercredi
à bottes jointes dans les flaques
*
Sourire mouillé
*
Et il pleut
à manger des crêpes
21 septembre 2016
Cocon
Le figuier de l’hiver
Occupe tout le matin du ciel
Tout le matin du ciel à la fenêtre
Cette main d’écorce à laquelle s’attache
Le poème friable d’une seule feuille
Une seule
Cocon de brume
Soleil blanc
Mon amour, mon amour
Dans le brasier éteint
19 septembre 2016
Les jolies colonies de vacances
Il flottait une odeur de pain fade dans le réfectoire. Dans mon souvenir c’était une salle immense. Nous étions par tablées de quatre.
Je regardais bouger les bouches des autres gosses. Des bouches qui mastiquaient, qui parlaient, qui riaient, qui pleuraient parfois.
Je les regardais comme distanciée, je me sentais à l’extérieur du brouhaha.
J’en oubliais de manger, comme d’habitude.
Maman à chaque repas me disait : mange !
Je portais la fourchette à ma bouche.
Mâche ! disait-elle.
Je mâchais.
Mais avale !
Maman n’était pas là, c’était là le problème. Je mangeais encore plus lentement.
Les monitrices me sommaient de finir mon assiette, je ne sortirais pas avant d’avoir tout mangé.
Le réfectoire se vidait d’un coup. Raclements de pieds et de chaises.
Je restais seule devant mon assiette dans le silence revenu et l’odeur de pain fade.
Sous prétexte que j’avais une santé fragile, on ne me permettait pas de participer aux sorties organisées.
Je n’allais pas avec les autres randonner en montagne. Je restais dans le parc aux sapins noirs avec les plus jeunes.
Ces privations de sorties m’étaient égales. M’en foutais de ne pas aller marcher..
T’as de la chance, disaient les filles, tu restes avec le moniteur des petits.
Elles étaient toutes amoureuses de lui.
M’en foutais de rester avec le beau moniteur. Je me planquais au fond du parc pour ne pas avoir à me joindre au groupe des petits. Je voulais voir Maman.
Une fois par semaine, on nous réunissait dans une salle de classe et nous devions écrire à nos parents.
Lorsque nous avions fini, nous apportions notre lettre à la monitrice qui était à son bureau comme une maîtresse et nous regagnions notre place en attendant que tout le monde ait terminé.
La monitrice lisait tous les courriers avant de les mettre sous enveloppe.
La première fois, elle rappela une fille pour qu’elle recommence : pas de lettre pleurnicharde, tu en refais une autre.
Alors j’écrivais invariablement :
Chers parents
J’espère que vous allez bien.
Je mange bien, je dors bien, je m’amuse bien.
Venez vite me chercher !
J’ai attendu l’aube parce que je n’avais pas de lampe de poche. Je me suis levée sans faire de bruit. J’ai longé sur la pointe des pantoufles tous les lits en métal où dormaient mes camarades et je suis sortie du dortoir.
J’avais mon doudou contre la poitrine, j’avais boutonné mon pyjama de manière à laisser juste sortir sa petite tête de peluche jaune.
J’ai descendu les larges marches de l’escalier. Je me suis dirigée vers la première des nombreuses porte-fenêtres. La liberté était derrière avec une route et ma maman au bout. Un moniteur aussi était derrière. Il nous a renvoyés au lit, mon doudou et moi.
Le dimanche était le jour de visite des parents.
Il y avait un garçon qui n’attendait pas, il savait que personne ne viendrait le voir.
Je ne sais pas s’il en était malheureux, moi ça me rendait triste pour lui.
Elle, elle attendait encore plus heureuse et impatiente :
– Ils viennent me chercher, je m’en vais !
– Mais comment tu as fait ? Je croyais que tu devais rester encore longtemps ?
– C’est simple, j’ai pleuré tous les dimanches quand ils arrivaient.
Alors c’est ce que j’ai fait, j’ai pleuré dès leur arrivée, pas seulement lorsqu’ils repartaient.
J’ai gagné un mois.
14 septembre 2016
En vie de rien
Le jour lève comme un blé noir
Tu le grignotes du bout des yeux
Du bout des dents
Tu mâchonnes le brouillard
Percé d’un seul cri d’oiseau
Tu suçotes un ongle de lune
Fiché dans la paume de l’aube
La moindre bouchée de ciel
Est difficile à avaler
Tu t’effrites tel un buis corrodé de pyrale
Tu n’as pas faim
Tu n’as pas soif
Tu n’as pas envie
Tu es en vie de rien
6 septembre 2016
Road Bidouille
Road Bidouille from C. Daviles-Estinès on Vimeo.
Musiques : Song For My Father de Horace Silver et Lillekort de Jan Garbarek
5 septembre 2016
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