J’aime bien écouter.
J’aime mieux écouter que parler. J’ai les oreilles qui traînent par taire.
Dans le calme tout relatif du matin tôt, un démarreur tousse et tousse au bout
de la rue :
racatacata… racatacata… pof
Je ris.
Vous ne lui direz pas que j’ai ri, au monsieur (il est très énervé),
lorsqu’il a dit : putain de bagnole de merde !
Vous ne lui direz pas qu’il m’a mise de bonne humeur…
Puis le staccato crescendo decrescendo d’un trottis de cabot coursé par la voix de son maître essoufflé :
Viens ici ! Viens ici, j’te dis ! Gnn d’dieu tu vas voâââr !
A l’arrêt de bus un peu plus tard, deux femmes tiennent une conversation animée.
Elles parlent un langage que je ne connais pas et j’aime la musique de leurs étranges mots.
Je respire des bouffées d’images, de taïga peut-être ?
Mais il me faut avoir l’oreille plus sélective car c’est l’heure de pointes sonores.
Rebonds de pétarades, symphonie de moteurs, les notes vinaigrettes des sonneries de portables et des klaxons stridents.
Et puis…
Le tout soudain délicieux d’une voix d’enfant.
Ça traverse le coton acouphène du bruit qui m’enveloppe.
Elle dit Papa, la frissoulette. Une première fois d’abord.
Et puis elle dit : Papa, j’ai besoin d’un câlin, là.
Et ça me vibre encore au cœur longtemps après
et c’est comme une étreinte, logée là.
 
3 mars 2012